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Ostréiculture
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La grande Pêche

La grand pêche
L'ostréiculture
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Les Pinasses
Pinasses
Variations
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La pêche à la sardine
Pêche à la sardine

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Crise du logement

Ponton
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L'éditeur de cette carte l'a légendée : "Ancien bateau ponton servant d'habitation à une famille de pêcheurs". Et pour qu'on comprenne bien, il a fait poser les 13 personnes de la famille devant le dit ponton. Question : comment faire rentrer 13 personnes (treize) dans un si petit espace ?
Ces pontons ont fleuri au début du XXe siècle à la pointe du Cap-Ferret pour résoudre un problème lancinant des ostréiculteurs d'Andernos, Arès, Gujan-Mestras ou La Teste, qui avaient aussi des parcs devant la presqu'île.
Sans "pied-à-terre" près de ces parcs ils perdaient un temps considérable en temps de transport avec leurs pinasses à voile et dépendaient totalement des caprices de la météo: vent force 7 ou calme plat....

Un journaliste illustrateur, Paul Adolphe Kauffmann, a livré dans la revue Le Tour du Monde du 7 septembre 1901, une saisissante description de ce qu'il a appelé "la pêche publique", l'ouverture à tout le monde des parcs de l'État pour une pêche d'une journée, en général à l'équinoxe de mars:

La pêche publique

Paul Adolphe Kauffmann

Tous les trois ans, (l'État) livre les bancs (qu'il s'est réservé) une journée entière à la population maritime, pour y pêcher les huîtres qui se trouvent soit sur les crassats, soit dans les chenaux. (....) Ce jour-là, les marins rassemblent leur famille et en forment leur équipage, beaucoup d'entre eux comptant sur le résultat de leur pêche pour payer leurs dettes les plus criardes. On peut estimer à 6 ou 8000 le nombre des pêcheurs, hommes, femmes et enfants, avec environ 2 000 embarcations, rassemblés ce jour-là sur le Bassin. On choisit généralement la date de l'équinoxe de mars.(...)

Dès les premières heures du jour, le bassin est envahi par les embarcations qui sont rangées en files dans les chenaux, autour des bancs de l'État. Autour d'elles circulent les bateaux des surveillants maritimes, qui veillent à l'ordre général. (...) On attend que la mer soit complètement basse pour donner le signal de la pêche. (...)

Un coup de canon se fait entendre : c'est le signal. Alors c'est une bousculade, un envahissement, une trombe gigantesque qui s'abat, se roule, s'écrase, se précipite sur les bancs, ramassant et remplissant les paniers le plus rapidement possible et faisant la chaîne pour les vider dans les bateaux. Tout cela dans un grouillement indescriptible qu'accompagnent les altercations, les disputes, les batailles inévitables, et les crêpages comiques de chignons, réjouissant d'une gaieté sans bornes les curieux en délire qui les applaudissent à tout rompre.

Lorsque les bancs sont épuisés, les pêcheurs harassés, leurs vêtements souillés ou déchirés, les femmes dépeignées et dégrafées se retirent péniblement, leur embarcation chargée à couler. Souvent plusieurs d'entre eux sont obligés, pour pouvoir démarrer, de rejeter une partie de leur pêche dans les chenaux, car la moindre vague peut faire embarquer l'eau à bord et faire couler l'équipage. C'est précisément ce qui arriva il y a quelques années, en pareille circonstance, à une famille de cinq personnes. Au moment du retour, un vent violent s'éleva du Nord-Ouest ; impossible de songer à venir à la rame, on dut mettre la voile, mais un coup de vent fit chavirer l'embarcation trop chargée : deux personnes se noyèrent, les trois autres furent sauvées, mais la pêche fut perdue.

Les huîtres ainsi pêchées sont vendues sur place à des trafiquants ou sur la plage, mais pour la plupart à des prix tellement dérisoires qu'ils laissent qu'un bien maigre profit aux malheureux qui ont pris part à la pêche. L'État et la population trouveraient certainement plus de bénéfice dans la concession de ces bancs réservés.

in Le Tour du Monde du 7 septembre 1901

Pêche publique
Pêche publique (cliquez pour agrandir)

Bagarre
Bagarre pour une huître (cliquez pour agrandir)

L'huître est à Arcachon ce que la Lumière est à Paris ou l'Éternité à Rome: un pléonasme, une tautologie...

L'huître à Arcachon, c'est l'histoire merveilleuse d'un coquillage et d'un site (on dirait écosystème aujourd'hui) faits pour s'entendre. Jusqu'au milieu du XiX ème siècle, ce couple n'a pas d'histoire, tant leur vie commune est heureuse. Et puis, vint l'homme, ce grand prédateur qui en quelques années va quasiment tuer la ressource naturelle et mettre un terme à des siècles de paisible bonheur. L'huître sauvage du bassin d'Arcachon disparaît, trop exploitée sans souci de la préservation de l'espèce.

Mais nous sommes au XIXème siècle, dans ce siècle merveilleux, où les hommes découvrant la technologie croient que tout est possible, y compris réparer leurs propres erreurs.. Ces hommes décident donc de domestiquer ce coquillage et de l'élever dans des "fermes" aquatiques, les parcs aux huîtres, qui aujourd'hui encore font un des charmes du bassin. L'Empereur Napoléon III donne l'exemple et se fait octroyer une concession.

Rien n'eut été possible sans une de ces inventions discrètes mais puissantes, sans une trouvaille qui doit plus à l'intuition qu'à la recherche scientifique. Le problème était le suivant: les Tuiles chauléeshuîtres adultes confient, à la saison de la reproduction, des milliards de larves (le naissain) à l'eau; les larves qui auront survécu à ce périlleux voyage et aux prédateurs, doivent absolument se fixer sur un support pour pouvoir commencer leur croissance; nos apprentis ostréiculteurs ont tout essayé en fait de support, le bois, la tuile...; mais rien ne marche: quand il faut détacher l'huître jeune de son support, elle y est si solidement fixée, que l'on emporte un bout du support ou on casse la coquille de l'huître. C'est là que notre inventeur a son idée géniale : chauler les tu îles. Et ça marche: le "détroquage" (la séparation de l'huître de la tuile) se passe maintenant sans problème.

Notre génial inventeur était un maçon d'Arcachon, Jean Michelet; son invention date de 1865...

Le métier d'ostréiculteur est pénible: hiver comme été, les pieds dans l'eau ou dans la vase, il faut aller aux parcs soigner et élever l'huître, les détroquer, puis les désatroquer (les séparer les unes des autres), les semer dans les parcs, les trier, les laver...

En 1920, une maladie ruine les parcs de gravette et la portugaise, introduite en 1907, prend le relais. Elle sera elle-même supplantée par la japonaise lors de l'épizootie de 1970/1971.

En 1870, 1.500 hectares du Bassin était occupés par des parcs à huîtres; 4.750 en 1900. En 1905, plus de 400 millions d'huîtres ont été commercialisées. La production actuelle serait de 10.000 à 13.000 tonnes. BrickLe commerce de l'huître est très vite l'un des piliers de la vie économique d'Arcachon et du bassin: le Mouvement du Port fait état le 15 mars 1903 de 2.781 tonnes de houille apportées par trois vapeurs et deux bricks. En sens inverse, un trois mâts emportait 320 tonnes de poteaux de mine et cinq vapeurs 7.815.000 huîtres...

Février 2004 : j'ai trouvé il y a peu de temps une très jolie carte d'ostréiculteurs datée de 1926, qui a donné beaucoup de soucis à de nombreux collectionneurs; personne n'était capable de situer où Neveu avait pris cette photo; les Cottin, eux mêmes, grands collectionneurs et auteurs de deux livres sur le bassin d'Arcachon, m'ont avoué qu'eux non plus "n'arrivaient pas à la localiser et pour cause: elle est inversée ! Pour la situer, il faut la regarder dans une glace". La clef de l'énigme leur "a été donnée par Luc Dupuyoo, grand collectionneur du Canon" - Internet est un village...

Neveu a inversé la scène au tirage; la gauche est à droite et la droite à gauche. Le pêcheur à la pipe a d'ailleurs sa montre au bras droit, ce qui n'est pas très courant. En passant votre souris sur la carte, vous la verrez comme elle aurait du être: je vous l'ai remise à l'endroit, timbres et légende compris.

Au fait, cette photo a été prise devant une cabane du Canon. Luc Dupuyoo, qui a écrit un superbe livre sur le Cap Ferret (Autrefois, Le Cap Ferret - Souvenirs d'images. Édition Confluences, juin 2004), m'a apporté en cette fin septembre 2004 les précisions suivantes: "la cabane appartenait à Max Dubroc. J'ai identifié quelques personnes : à gauche, Henriette Laviole (future épouse de Jean Daney), puis debout, avec une casquette, entre deux femmes, Roger Dupuyoo (mon oncle, frère de mon père), Henri Laviole (l'homme à la pipe et à la montre au poignet, frère d'Henriette, qui lui, n'était pas ostréiculteur, d'où probablement cette montre; les ostréiculteurs portaient une montre plate suspendue à leur cou par une ficelle, montre qui passait sous la ceinture et restait à l'abri dans le pantalon. Tout simplement pour éviter de la casser à l'occasion des diverses manutentions) et enfin Jean Daney (assis le plus à droite)."

Cabane et pêcheurs au Canon

Redressée

Les huîtres avaient deux redoutables prédateurs : les hommes qui sont toujours là, et la tère, qui a quasiment disparu. Cette grosse raie broyaient la coquille des huîtres pour les dévorer. Cette redoutable bestiole pouvait également causer de sérieuses blessures à qui lui marchait dessus, avec son dard caudal. L'inestimable Guillier, photographe à Libourne, qui a fait des centaines de clichés sur le bassin, nous montre ici une parqueuse et sa proie, une tère, qu'elle a embrochée avec sa foëne:

Une parqueuse et sa foëne

Cognes

Voici un texte de François Copée de 1883, déniché par Marie Hélène Ricquier.
Savoureux, même si Copée ne semble avoir vu que le coté paradisiaque du Bassin quand il écrit "la besogne est si peu dure et si facile que les familles entières – le mari, la femme et les enfants – y sont employées".
François Copée commet également une faute de goût certaine quand il ose écrire qu'Arcachon est "une sorte de Trouville bordelais". comme si la perle de l'Atlantique pouvait se comparer à quelque chose d'existant.

Bordeaux, 19 septembre 1883

Maudissez-moi, mon cher directeur ; mais, malgré mes belles promesses, je me décide à faire encore l'école buissonnière pendant quelques jours, et je prie mon excellent camarade Lauzières de Thémines d'exercer, une fois de plus, le "sacerdoce" en mon lieu et place. C'est lui qui rendra compte de Frou-Frou et qui comparera, pour les lecteurs de la Patrie, Sarah Bernhardt à Desclée. Il s'acquittera de sa tâche aussi bien et mieux que moi, et personne n'y perdra rien. Cependant, je pourrai flâner encore un peu dans les paysages, et vous aurez, l'hiver prochain, un rédacteur reposé, rajeuni, superbe.

C'est de Bordeaux que je vous écris pour demander à votre inaltérable indulgence pour moi cette petite prolongation de congé, – de Bordeaux où me retiennent de très chers parents et d'excellents amis. Grâce à eux j'ai fait, lundi dernier, une partie charmante, et elle me fournira pour aujourd'hui un sujet de causerie rempli d'à-propos.

Je viens de visiter, dans des conditions exceptionnellement favorables, le bassin d’Arcachon, et je vais vous parler d’huîtres et d’huîtrière. Impossible d’être plus actuel, n’est-ce pas, et d’écrire un feuilleton qui soit plus de saison ? Vous connaissez le vieux et cynique proverbe : « En août, ni huîtres, ni femmes, ni choux » ; mais vous savez aussi que, dès qu’il y a un r dans le nom du mois courant, on peut faire ouvrir quelques douzaines et aller chercher à la cave les antiques bouteilles de sauternes ou de chablis. Il convient donc de parler d’huîtres en septembre. Parlons-en.

À neuf heures du matin, l’express de la ligne du Midi me déposait, ainsi que quelques joyeux compagnons, à la gare d’Arcachon, qui est, vous ne l’ignorez pas, une sorte de Trouville bordelais. Un Trouville, oui, mais un Trouville tout proche, un Trouville sous la main, aussi près de Bordeaux qu’Asnières est près de Paris, où le riche et actif négociant en vin du quai des Chartrons peut aller, après sa journée faite, dîner en famille et fumer le cigare du soir sur la plage, en légère vareuse et en frais chapeau de paille.

Sur ses dunes jaunes, couronnées de vastes forêts de pins, dont la saine odeur est très recommandée pour les phtisiques et fait d’Arcachon une station d’hiver très fréquentée, se développe une rangée, s’égrène un long chapelet de maisons de campagne, de villas, de résidences de tout espèce, où l’on trouve tous les styles, où toutes les fantaisies de propriétaires se sont donné libre court, où le château Renaissance coudoie le kiosque oriental, où le chalet suisse alterne avec le cottage anglais.

Villas
Villas

Mais je ne venais pas à Arcachon pour voir la ville de plaisir, de luxe et d’élégance, qui ne diffère pas, en somme, des see-place de même nature. De la gare, j’ai couru à la jetée, où chauffait depuis deux heures le petit bateau à vapeur de M. Laroque, le premier ostréiculteur du bassin ; nous nous sommes embarqués sans retard ; notre aimable hôte a commandé à son mécanicien : « Machine en avant ! » et nous avons immédiatement pris le large.

La journée, qui avait commencé par une brume automnale assez épaisse, promettait d’être splendide, et elle a tenu toutes ses promesses. Au moment où notre steamer en miniature s’éloignait de la côte, le soleil, vainqueur des nuages, criblait d’étincelles la mer, limpide comme un lac. La marée était basse – il fallait choisir cette heure de départ, puisque nous voulions visiter les parcs –, et dans toute l’étendue du bassin se montraient les îlots vertes des huîtrière. Au bout d’une petite demi-heure de navigation, nous pouvions voir ce territoire sous-marin que l’État confie à l’industrie privée moyennant une faible redevance, mais à titre précaire seulement, et qui n’est visible que lorsque le flot s’est retiré. Il offrait en ce moment le coup d’œil le plus pittoresque, et tous les bancs de sable étaient couverts de groupes d’ouvriers des deux sexes. Mais ici le sexe ne se reconnaît que de près ; car les femmes portent la culotte – une culotte de flanelle rouge, gaillardement retroussée jusqu’au dessus du genou. De loin, on ne distingue les femmes qu’à leur bénèze, grande coiffe de calicot à fleurs imprimées, qui les protège de l’ardeur du soleil.

Une très nombreuse population – trente mille âmes environ – travaille sur les parcs ; et la besogne est si peu dure et si facile que les familles entières – le mari, la femme et les enfants – y sont employées. Elles habitent, pendant la saison d’exploitation, une série de baraquements établis sur la côte. Cela finira par devenir des villages, des communes, l’industrie huîtrière, toute récente, prenant chaque jour un développement plus considérable. Jusqu’à présent, les ouvriers ne sont que campés. Dès que la mer baisse, ils montent dans des tilloles ou pinasses, longues barques à fond plat, pointues des deux bouts, allant à la voile et à l’aviron, et ils se rendent dans les parcs, où ils gagnent en peu d’heures un salaire suffisant. Mangeons des huîtres à déjeuner, mes amis. Nous nous ferons plaisir d’abord, et ensuite nous assurerons l’existence de plusieurs milliers de familles.

Pinasse ou Tillole
Une Pinasse

Parcs
Dans les parcs

Arrivé devant l’établissement de M. Laroque, le plus important du bassin d’Arcachon, notre bateau à vapeur jeta l’ancre ; nous sautâmes dans la chaloupe, et, après avoir retiré bottines et chaussettes et enfilé des culottes de toile énergiquement appelées "salopettes", afin de nous mouiller les mollets sans scrupules, nous commençâmes notre promenade.

J’en ai peu faites de plus intéressantes et rarement j’ai mieux admiré l’union de la science et de l’industrie. Le grand inventeur, l’homme de génie de la chose, c’est M. Coste, qui, le premier, eut l’idée de recueillir le frai de l’huître et de l’élever dans de bonnes conditions. L’industrie privée n’a fait que mettre en pratique la théorie de Coste et tiré le meilleur parti possible de son invention ; mais elle a trouvé, dans ce sens, les procédés les plus ingénieux et qui se perfectionnent de jour en jour.

Au printemps, le frai de l’huître couvre toute la mer, et ce que les poissons en dévorent est incalculable. Une infime quantité seulement – nous dirons tout à l’heure le résultat qu’elle donne – est recueillie par l’ostréiculture. Comment ? De la manière la plus simple.

Des tuiles enduites d’une composition de sable et de chaux et protégées par des cages de bois qui contiennent cinquante tuiles environ, s’imprègnent de ce frai et ne tardent pas à se couvrir de toutes petites huîtres. Sur chacune de ces tuiles, appelées collecteurs, il y a plusieurs centaines de mollusques. On laisse ainsi croître pendant six mois les huîtres enfantines. C’est, si l’on me permet cette comparaison, leurs mois de nourrice ; et les crabes en détruisent une bonne moitié, cela va sans dire. La plus grande mortalité frappe toujours les enfants en bas âge.

Ambulance
Ambulance

Les six mois écoulés, on ouvre les "ruches", – c’est le nom donné à ces cages en bois, que les gros temps n’épargnent guère, bien entendu ; – on enlève, en grattant l’enduit avec un couteau, les huîtres qui ont victorieusement subi cette première épreuve, et on les dépose, par deux ou trois cents, dans des cages plus compliquées qu’on appelle les "ambulances". Là, protégées par un treillage contre tous ses adversaires, la jeune huître grandit et prospère. C’est l’adolescence après l’enfance, le pensionnat après la nursery. Jusqu’au fil de fer de "l’ambulance" qui rappelle la grille du couvent.

Après dix-huit mois, l’huître est une jeune personne qu’on peut présenter dans le monde. Je ne dis pas une jeune fille à marier, l’huître étant hermaphrodite.

Le monde, c’est la "claire", c’est-à-dire un vaste carré de sable, encadré d’un petit talus de terre glaise que ne dissout pas l’eau de mer, et dans lequel un système d’écluse, très simple, maintient toujours environ un pied d’eau, qui protège les habitantes de la "claire" des coups de gelée et des coups de soleil, également funestes pour elles.

Dans la "claire", l’huître, abandonnée à elle-même et trouvant dans l’eau salée sa mystérieuse nourriture, reste jusqu’à l’âge de deux ans et demi, de trois ans au plus, et atteint l’état d’embonpoint et de santé où elle est mûre, hélas ! pour le couteau de l’écaillère.

Mais, par ce seul fait s’elle est libre, elle court plus de dangers ; et j’ai recueilli, sur le compte de ses ennemis naturels, des renseignements qui m’ont paru assez curieux pour que je vous les rapporte.

Le plus fréquent, et par conséquent le plus terrible ennemi de l’huître est le crabe, qui la guette sans cesse et qui, dès qu’elle s’entr’ouvre, se précipite sur elle, la tue et la mange. Il n’est pas toujours assez vif. Quelquefois, l’huître se referme à temps et broie le crabe entre ses deux coquilles. Mais, pour quelques-uns de ces scélérats guillotinés comme ils le méritent, il y a, dans les parcs d’huîtres, des milliers de crabes, de "chancres", comme on dit dans le bassin d’Arcachon, qui mènent une existence de bandits triomphants.

L’étoile de mer, qui semble au premier abord le plus inoffensif des mollusques, est encore très redoutable. Elle s’accroche à l’huître, la force à ouvrir sa coquille par une succion puissante, et la dévore.

Mais l’ennemi qui la détruit de la façon la plus bizarre, c’est le bigorneau.

Vous connaissez ce tout petit coquillage, le plus vulgaire de tous peut-être, et dont l’aspect est tout à fait insignifiant. Eh bien ! l’huître, vingt fois plus grosse que le bigorneau et recouverte de son épaisse armure, est sans défense contre lui. Il adhère à la coquille et, sécrétant sans doute une substance qui en altère la chaux, il finit par creuser un tout petit trou par lequel il pompe toute la chair de l’huître. C’est pourquoi on l’appelle ici le bigorneau perceur.

J’ai mis entre mes yeux et la lumière la coquille d’une huître entièrement vidée par un bigorneau. Le trou n’était pas plus gros que celui d’une aiguille.

Contre le crabe, l’étoile de mer et le bigorneau, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de protéger les huîtres parquées. On a plus de ressources contre les poissons, parmi lesquels l’huître compte aussi de très dangereux ennemis. On m’a nommé le martram ou "l’ange de mer", ainsi nommé à cause de ses grandes nageoires, pareilles à des ailes, qui brise la coquille de l’huître entre ses dents ; le marsouin, tellement vorace qu’il avale l’huître sans la broyer ; la thère, et enfin une espèce de requin de petite taille, que les marins de ces contrées appellent le touilhe.

Mais on a trouvé un moyen de défense contre tous ces affamés. Des piquets de bois hérissent les parcs, et, lorsque les poissons descendent, ils s’y heurtent le ventre et s’enfuient, pleins de frayeur.

Piqutes de défense
Piquets de défense

Malgré toutes les précautions prises, – et, dans cette industrie de fraîche date, on en découvre constamment de nouvelles, – il faut compter sur beaucoup de déchet. Grâce à la découverte de Coste, rendue pratique par l’invention du collecteur, due au docteur Kœmmerer, et par d’autres procédés trouvés par les gens du métier, l’élevage des huîtres est, à l’heure qu’il est, il faut le dire, exceptionnellement favorable pour ce genre d’exploitation, produit, chaque année, une énorme quantité d’huîtres, et la seule île aux Oiseaux, où sont les parcs de M. Laroque, en expédie plus de vingt-cinq millions aux quatre coins de l’Europe. Néanmoins, nulle part plus violemment que dans les huîtrière ne se livre la lutte pour la vie, et la grosse question aux yeux des éleveurs, c’est la défense des parcs contre les animaux destructeurs de l’huître. Mais ces messieurs sont si actifs, si intelligents, si ingénieux, que je suis persuadé qu’ils parviendront à la résoudre.

Après avoir barboté pendant deux heures, les jambes dans l’eau, au milieu des parcs, nous avons gagné le ponton, échoué sur un prochain banc de sable, qui sert de maison au gardien du parc. Un bon déjeuner nous y attendait, et je vous laisse à penser si on a édifié des montagnes de coquilles. On s’est oublié là deux heures au moins, grâce à quelques bouteilles comme il n’y en a plus que dans les caves bordelaises, et lorsqu’on s’est levé de table et qu’on est monté sur le rouffle du ponton pour prendre le café, le flot avait monté, et nous étions en pleine mer. Tous ces parcs, où s’agitaient un instant auparavant des milliers de travailleurs, avaient disparu sous l’eau. C’est une des impressions les plus étranges que j’ai éprouvées dans ma vie. En retournant à Arcachon, sur le petit vapeur, j’ai contemplé avec un sentiment de stupéfaction cet Océan qui recouvrait de sa nappe verte et lumineuse tant de travaux et tant de trésors, et j’ai été pénétré d’admiration pour le génie et l’effort de l’homme.

Ponton
Ponton


François Coppée, "Le Critique en vacances, Lettres de voyage à M. Eugène Guyon, Directeur de La Patrie". In : Œuvres complètes. Prose. Tome II. Édition Hébert, Paris 1886.

Quelques jolies cartes, certaines en couleur, aquarellées à la main (Cliquez sur les vignettes pour les agrandir):

Parqueurs Parqueurs Parqueurs Parqueurs Parqueurs Parqueurs Parqueurs Parqueurs Parqueurs Parqueurs Parqueurs Parqueurs Parqueurs Parqueurs

La carte postale ancienne a ceci de très supérieur à tous les autres produits inventés par les hommes qu'elle a une DLUO quasiment infinie. DLUO ? Date limite d'utilisation optimale : essayez un peu de recycler un vieux yaourt de trois semaines, une huître de 10 jours ou une vieille voiture de 20 ans ? Prototype du "développement durable", comme on dit chez les gens branchés et "intelligents" d'aujourd'hui, la CPA se recycle à l'infini et un cliché pris dans les années 1900 servira encore à la production de cartes postales qui ne seront alors pas encore anciennes dans les années 50. Jugez en.

Voici la carte originale :

Ostréiculture

Voici quatre tirages de ce même cliché, diffusés entre 1905 et les années 1950 (à vous de déterminer quelle carte correspond à quelle époque...). On peut aussi remarquer que les tireurs se moquaient un peu du sens de leur travail, traitant le cliché tantôt à l'endroit, tantôt à l'envers...

Tirages
Cliquez sur l'image pour l'agrandir

Ratage !

Même les dieux peuvent se tromper quand ils se mêlent de représenter un métier dont ils ignorent tout. Je ne sais pas lequel des frères Neurdein s'est rendu coupable dans les années 1880 de ces deux photos, mais le ratage atteint une perfection quasi divine. Le photographe a emmené des parqueurs "en face" de l'autre coté de l'eau, les a faits poser et il a pris ses clichés. Voici deux de ces photographies.

Premier cliché : les personnages ne sont pas en place, ils se cachent les uns les autres, une femme tourne la tête, le rameur en arrière plan est ... sur le sable:

1er cliché

2e cliché : notre photographe a essayé d'arranger les choses et finit par obtenir une composition assez réussie, sauf que le rameur continue de vouloir traverser la presqu'île sur le sable en ramant...

2e cliché

Les Frères Neurdein devaient être assez fiers de ce ratage total, puisqu'année après année cette photo sera rééditée sous forme de cartes postale...:

Avant 1904Après 1904
(cliquez sur les photos pour les agrandir)

8/12/14

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