Conversation à bâtons rompus autour
d’Adalbert Deganne.
1er décembre 2010.
par Jean Pierre Ardoin Saint Amand
Présentation.
Vous connaissez tous le boulevard Deganne. Adalbert Deganne est un personnage lié à la création de la ville d’Arcachon. Laquelle est contemporaine de la conquête de l’Ouest américain (1839 - 1889), qu’elle rappelle sous bien des aspects. Et si la ruée vers l’or sous-tendait cette conquête, la spéculation foncière, qui est quelque chose qui ressemble à cette ruée, n’est pas étrangère à la naissance d’Arcachon.Cette naissance d’Arcachon est un véritable scénario de western.
Personne n’a encore véritablement pris la peine de nous raconter cette saga picaresque au travers d’un récit global mettant en scène, en même temps, les principaux protagonistes.
Notre histoire reste à découvrir.
Dans celle-ci, comme dans un western resté célèbre, il y a le bon : Alphonse Lamarque de Plaisance (22/06/1813 - 17/12/1880), cultivé, distingué, désintéressé. Sa motivation essentielle : la recherche du bien public.
Avant de venir jouer le bon dans notre histoire, il avait été maire de… Cocumont !
Il y a la brute : Adalbert Deganne (22/10/1817 - 10/10/1886). Sa grande affaire reste l’appât du gain. Il est prêt à tout pour cela.
Et le truand prend les traits de Xavier Mouls (12/02/1822 - 06/07/1878), le curé à l’ambition chevillée au corps. Il veut devenir calife à la place du calife, ou plutôt, archevêque à la place de l’archevêque. Son intérêt le pousse à s’allier avec le bon avant de le trahir et de devenir le complice de la brute.
Il n’y a pas de coups de pistolets dans cette affaire, mais il n’y a vraiment que ceux là qui manquent, parce que tous les autres y sont permis. Adalbert Deganne. On m’a demandé de venir vous parler de l’un de ces trois personnages : Adalbert Deganne, ce que j’ai accepté de faire fort volontiers.
Il faut d’abord que je vous raconte comment j’ai été amené à m’intéresser à lui.
Un week-end de printemps où il faisait beau, il y a de ça une vingtaine d’années, j’ai pris ma motocyclette et je suis parti faire un tour en Champagne.
C’était l’époque où l’on pouvait s’arrêter goûter une coupe chez un producteur sans craindre la mise en garde à vue et la cellule de dégrisement.
Et puis comme ça, au bout d’un moment, au détour d’une rue, surprise, je me suis retrouvé devant le Casino de la Plage.
Je me suis tout de suite demandé si je n’avais pas un peu abusé.
Mais non, pas du tout, c’était bien lui que j’avais devant moi.
Il n’y avait personne.
Avec ma moto, j’ai parcouru le parc et j’ai été surpris d’y trouver des allées importantes qui convergeaient vers une place circulaire. Celle-ci formait une étoile en reconstituant exactement la topographie des lieux autour de notre place de Verdun, avec les avenues Nelly Deganne, Gounod et de la République et les boulevards Deganne et du Général Leclerc.
J’ai fini par rencontrer un autochtone qui m’a expliqué qu’il s’agissait-là du château de la Veuve Clicquot.
Arcachonnais, amoureux de sa ville et de son histoire, je n’avais jamais entendu prononcer le nom de Clicquot en relation avec l’histoire d’Arcachon.
Je me suis dit que les historiens n’étaient peut-être pas des gens très sérieux ou très curieux et que cela méritait d’être regardé de plus près.
J’ai acheté la plaquette consacrée au village de Boursault, puisque c’était à Boursault que cela se passait, et je suis rentré à Paris où j’ai commencé à m’intéresser à cette histoire.
C’était la première fois que je me lançais dans une recherche historique et je ne connaissais rien de comment il fallait la conduire.
Rassurez-vous, je ne le sais toujours pas.
Adalbert Deganne est donc originaire de Vertus, petite ville de la Marne. Cela le fait à coup sûr vertusien à défaut de vertueux.
Ses parents, Joseph-Alexandre Deganne et Marie Alexandrine Platet s’y marient, civilement, le 11 mars 1815.
Le jour de Noël suivant leur nait Hercule, Théodore, Alexis qui embrassera une carrière militaire 1. Suivi deux ans plus tard, le 22 octobre 1817, par Adelbert, Alexandre, Iphyclès. Il sera baptisé, malgré le mariage exclusivement civil de ses parents, le 1er novembre 1817.
Le 22 juin 1819, Ansel Ferdinand leur succèdera mais mourra à l’âge de 4 ans.
Douze ans plus tard, enfin, un quatrième frère verra le jour, le 4 février 1831 : Térence, Joseph. Sur lequel je ne sais rien sinon qu’il meurt en 1854 à l’âge de 23 ans.
Iphyclès était, dans la mythologie grecque, le fils d'Amphitryon et d'Alcmène. Il est le demi-frère jumeau, né un jour avant lui, d'Héraclès ou Hercule fils de Zeus et d’Alcmène. En premières noces, il épousera Automéduse.
Tout un programme.
Adalbert Deganne, ingénieur, où l’on découvre qu’il ne se prénommait pas Adalbert, pas plus qu’il n’était ingénieur.
Adalbert Deganne avait l’habitude de se présenter : Adalbert Deganne, ingénieur.Si vous voulez bien, nous allons tout de suite lever l’ambiguïté entourant le prénom de notre Deganne. Lequel s’appelait bien Adelbert à l’état civil et à Vertus tout au long de sa vie. Mais à Arcachon, il se fera appeler Adalbert.
A Arcachon on connaissait au moins un autre Adalbert : le Comte Adalbert de Talleyrand-Périgord 2 qui s’était fait construire la villa Périgord sur le boulevard de l’Océan et qui deviendra Ismaïla quand elle passera dans la famille des descendants de Ferdinand de Lesseps. Le Comte Adalbert, Nicolas, Raoul de Talleyrand-Périgord s’autoproclamera en 1864, par décret impérial quand même, duc de Montmorency au motif que sa mère était née de Montmorency. Ce qui n’aura pas l’heur de plaire à cette famille qui lui intentera un procès, lequel nécessitera l’intervention de tous les grands avocats de l’époque. Sans succès semble-t-il puisque cet Adalbert passe aujourd’hui pour avoir été le premier Talleyrand duc de Montmorency de l’histoire. Beaucoup de bruit pour pas grand-chose car il ne fera qu’un fils à son épouse, morte à Arcachon 3 en 1880 à l’âge de 33 ans. Louis de Talleyrand-Périgord, duc de Montmorency, second du nom. Second et dernier parce que mort sans postérité, malgré trois mariages.
Il était plus aristocratique, à Arcachon, de s’appeler Adalbert plutôt qu’Adelbert. Adelbert ou Adalbert, Deganne règlera le problème en prenant l’habitude de signer Ad. Deganne.
Son père, Joseph, Alexandre Deganne n’avait pas de vigne mais était vigneron. C’est la profession qu’il revendique quand il déclare ses deux premiers fils. On peut en déduire qu’il était sans doute ouvrier vigneron. Quand il déclare son quatrième fils, il a 35 ans et se prétend géomètre.
Une plaquette consacrée à cette famille le dit aussi agent-voyer d’arrondissement et même boutiquier. En octobre 1869, l’acte de décès de son épouse Marie Alexandrine le présente comme agent-voyer en retraite. L’agent-voyer était responsable de la construction et de l’entretien des chemins vicinaux. En 1836, il était placé sous l’autorité du Préfet et à partir de 1867 du Conseil Général. L’agent-voyer avait autorité sur les cantonniers qui étaient nommés ou congédiés par le Préfet sur proposition de l’agent-voyer.
Son propre père, le grand-père d’Adalbert, Joseph-Antoine Deganne était aussi dit vigneron. Il était mort très tôt, le 10 mai 1807 à 31 ans, ce qui peut laisser supposer que son fils avait fait un bel héritage.
En tous les cas, le fils était propriétaire d’une belle maison dans le bourg de Vertus, d’un moulin sur la Berle et même d’un château dit de Cense Bizet.
Le fait que son ascendance ne semble pas avoir été propriétaire de vignobles, dans cette riche région de champagne, laisse croire qu’Adalbert aurait été dispensé de travailler la vigne dès son enfance comme le faisait la plupart de ses camarades.
Cela aurait été une véritable opportunité, lui permettant d’avoir accès à l’instruction. Et il va faire des études. Enfin, c’est ce que l’on croit parce que je n’ai rien rencontré qui le prouve. Son frère aîné, pour s’être enrôlé comme canonnier à 20 ans, ne semble pas, lui, en avoir fait.
Adalbert aurait suivi des études de conducteur de travaux, peut-être pour succéder à son père comme agent-voyer suivant le principe de tel père, tel fils.
Plus tard, on le dira, et je crois l’avoir moi-même écrit, qu’il était ingénieur civil.
Que nenni !
Alphonse Lamarque de Plaisance, avec lequel il aura bien des démêlées, se moquait de lui à ce sujet :
« Ce n’est pas vous, du reste, Monsieur, qui voudriez voir traiter dédaigneusement, je le présume, le titre de conducteur. Vous connaissez peut-être comme moi des ingénieurs en chef improvisés de chemins de fer en herbe qui seraient embarrassés pour en justifier de plus élevé 4. »
Et c’est bien sûr lui qui ne pouvait pas se prévaloir d’un titre supérieur à celui de conducteur de travaux. Cela ne l’empêchera pas, par la suite, de se bombarder unilatéralement rien de moins qu’ingénieur en chef des chemins de fer du Médoc. Nous y reviendrons.
Ses études finies, vers 1837, il a 20 ans, quand il part travailler sur le chantier de la ligne de chemin de fer Paris-Versailles qui ouvrira au public le 2 août 1839. Cette même année 1839, il arrive à Bordeaux où il est employé à la construction de la ligne de chemin de fer Bordeaux-La Teste de Buch.
Si la ligne Paris-Versailles avait comme directeur Emile Pereire, il faut bien noter que les Pereire n’étaient pour rien dans le projet Bordeaux-La Teste.
Mystères autour d’Adalbert.
Deux problèmes se posent : pourquoi a-t-il quitté sa région natale, plutôt riche, et pourquoi a-t-il choisi la nôtre pour s’installer.
A ces deux questions, j’ai une réponse.
Mais vous avez fait l’effort de venir m’écouter et je vous dois en contrepartie d’être sincère.
Ces réponses, d’aucuns, des historiens aussi savants que distingués, vous diront qu’il s’agit de légendes.
Ce n’est pas vrai.
Il s’agit, en vérité, d’hypothèses.
Une chose est sûre, Adalbert Deganne va faire construire en 1853 à Arcachon, au bord de la plage, un château qui sera d’abord le château Deganne, puis le Casino de la Plage que l’on finira par disneylandiser en Palais des Congrès.
« On ne sut jamais à quelle impulsion céda Adalbert Deganne quand il fit construire en 1853 sur le bord du bassin dans sa pièce d’Eyrac ce modèle réduit du château de Boursault sis sur les bords de la Marne près de Chaumont 5. »
« C’est peut-être sa confiance dans l’avenir de la ville, ou son souhait de doter Arcachon d’un Hôtel de Ville prestigieux qui le pousse à construire son château, en 1853. Ce château est la copie exacte du château de Boursault, situé près de Vertus dans la Marne, dont le propriétaire avait remis les plans à Monsieur Deganne. Certains se sont étonnés de voir un tel édifice en un tel lieu, notamment le Maire Lamarque de Plaisance, d’autres ont taxé Deganne de vaniteux et de nouveau riche 6. »
« Pourquoi se faire construire un château si l’on ne doit point l’habiter ? Volonté de prouver que l’on pouvait élever sur le sable de dunes d’importants édifices ? Satisfaction d’un rêve d’enfant ? Réclame pour faire connaître la ville naissante ? Vanité de parvenu ? Toutes ces hypothèses sont bonnes, mais aucune n’est sûre. Adalbert Deganne a emporté son secret dans sa tombe 7. »
« Il fit en effet construire en 1853, à la limite d’Eyrac, sur du sable, son château, non pour y résider mais pour en imposer dans la « société » arcachonnaise alors en formation 8. »
Aucune de ces hypothèses n’est convaincante, parce que si elles peuvent justifier effectivement la construction d’un château, elles n’expliquent en rien pourquoi il est la copie d’un château existant.
Le château d’Arcachon est en effet une reproduction identique de celui de Boursault mais dans une homothétie parfaite de disons 75 %. Ce qui le rend moins important que l’original.
Quand on les regarde l’un après l’autre sur le terrain, ou quand on les compare sur des photos, ce qui ne permet pas de bien en préciser l’échelle, on a le sentiment qu’ils sont parfaitement identiques en tous points.
Alphonse Lamarque de Plaisance se moquera de Deganne à son sujet :
« On vous doit des remerciements pour l'avoir importé de la Champagne avec une fidélité qui fait plus d'honneur, dit-on, à votre mémoire qu'à votre imagination 9. »
Si vous voulez bien, intéressons-nous un instant à ce modèle, c’est-à-dire au château de Boursault.
Boursault est un village situé à 26 kilomètres de Vertus par la route. Mais en fait, pour Boursault comme pour Vertus, la ville la plus proche est Epernay, éloignée de 10 kilomètres de Boursault et de 19 de Vertus.
Quand on observe la famille Clicquot sur plusieurs générations, on y découvre deux objectifs : l’argent et la promotion sociale.
Pour l’argent, elle vend du champagne dans le monde entier, et cet argent sert à sa promotion sociale mais il n’est pas suffisant. Cette promotion exige en effet des alliances avec des aristocrates.
Barbe Nicole Ponsardin, plus connue sous le nom de Veuve Clicquot, n’aura qu’une fille,
Clémentine Clicquot, qui épousera le 10 septembre 1817 le Comte Louis, Marie, Joseph Leriche de Chevigné, aristocrate de petite extraction dont les parents ont été massacrés lors des guerres de Vendée.
Leur fille unique, Marie-Clémentine Leriche de Chevigné, épousera, le 20 mai 1839, le Comte Anne, Louis, Samuel, Victurnien de Rochechouart de Mortemart.
Cette fois nous avons affaire à un aristocrate de belle lignée.
En contrepartie de ces alliances qui auraient pu être considérées comme des mésalliances par Messieurs les Comtes et gendres successifs, la veuve Clicquot avait coutume de donner des gages et se fendra à chaque fois d’un petit pied-à-terre.
Pour le premier couple, elle achètera, en 1823, le domaine de Boursault. Il couvre les 2/3 du territoire communal et comprend un manoir qui existe toujours et que l’on appelle le petit château ou le vieux château.
La veuve Clicquot s’y installera avec sa fille Clémentine, son gendre le comte Louis Leriche de Chevigné et sa petitefille Marie-Clémentine.
Pour le second couple, elle fera construire le fameux château de Boursault.
A la génération suivante, c’est-à-dire celle de l’arrière-petite-fille, Marie, Adrienne, Anne, Victurnienne, Clémentine de Rochechouart de Mortemart épouse, le 10 mai 1867, Amable, Antoine, Jacques, Emmanuel de Crussol d’Uzès, duc de Crussol. On sent encore l’influence de l’arrière-grand-mère pourtant décédée en son château de Boursault, le 29 juillet 1866.
Cette fois c’est le top. A la mort de son père, en 1872, Emmanuel de Crussol hérite du titre de duc d’Uzès, pour devenir le douzième du nom. Le duché d’Uzès était le premier dans l’ordre des duchés et les ducs d'Uzès, par ce titre, occupaient le premier rang après les princes de sang.
Bien sûr, ce dernier mariage n’allait pas sans quelques contreparties. Il y avait longtemps que les ducs d’Uzès avaient vendu les bijoux de famille. Et si le douzième duc d’Uzès passait pour avoir du plomb dans la cervelle, il en avait un peu trop.
Il avait été complètement défiguré, six mois avant son mariage, par le coup de fusil tiré à la chasse par son beau-frère, le maladroit vicomte d’Hunolstein, qui lui avait emporté un œil et la moitié du visage. Du plomb avait pénétré dans la boîte crânienne que l’on n’avait pas pu extraire. Il souffrait de terribles maux de têtes qui finiront pas l’emporter en 1878, à 38 ans.
Mon hypothèse, qui est l’hypothèse la plus plausible que je sois parvenu à échafauder, est qu’à l’âge de 17 ans, Adalbert Deganne rencontre et fait la connaissance à Epernay, où se retrouve toute la population environnante le jour du marché, Marie-Clémentine Leriche de Chevigné et qu’il en soit tombé éperdument amoureux. Comme on peut l’être à cet âge.
Le caractère à la fois impécunieux et roturier de ses origines lui a sans doute été opposé par l’ambitieuse famille de sa bien-aimée.
Il ne m’étonnerait pas que l’on soit allé jusqu’à la demande en mariage, en bonne et due forme et que celle-ci n’ait pas été agréée.
On nous raconte, dans la plaquette sur Boursault, qu’en ce temps là : « les relations sexuelles avant le mariage étaient déshonorantes, le mariage était la grande cérémonie nuptiale 10. » Je ne sais pas pourquoi on a tenu à faire cette précision, comme si la morale s’était faite plus rigoureuse dans tous les alentours de Vertus, à cause du nom de cette ville, que dans le reste du royaume.
Pour pallier cet inconvénient, il y avait, il faut le noter, dans la famille Deganne une longue tradition de mariages précoces. Joseph, Alexandre, le père d’Adalbert s’était marié à 19 ans et 4 mois. Joseph, Antoine, le grand-père, à 18 ans et 5 mois.
Pour avoir une meilleure idée des personnages en présence, je voudrais vous lire un poème des Contes Rémois du Comte de Chevigné. Le père de Marie-Clémentine.
Je vais prendre le premier de la troisième édition, celle illustrée par Ernest Meissonnier soi-même, ce qui nous vaut une gravure de notre Casino de la Plage par ce grand artiste.
LES CINQ LAYETTES
L'heureux pays que celui de Champagne !
Des vins exquis parfument la montagne,
Le peuple est bon, les maris point jaloux,
Et le beau sexe a le cœur aussi doux
Que les moutons qui peuplent la campagne.
Un Champenois, riche et vivant aux champs,
Eut le malheur d'être veuf à trente ans.
De son hymen il n'avait qu'une fille
Aux cheveux blonds, douce autant que gentille,
Et dont il fut le zélé précepteur :
Il aurait craint, dans sa tendresse extrême,
De confier à d'autres qu'à lui-même
Le soin d'orner son esprit et son cœur.
Sa fille était son unique pensée.
Ce qu'il apprit à grand'peine au lycée,
Il l'enseignait à Blanche avec ardeur.
Il vint de là qu'à seize ans notre fille
Ne savait point se servir de l'aiguille ;
Mais comme un livre elle eût parlé latin.
A dix-huit ans, après mûr examen,
Blanche étant riche en candeur, en science,
Le campagnard promit enfin sa main
Au fils aîné de son plus près voisin,
Épris de Blanche et de son innocence.
Le soir du jour qui fixait leur destin,
Le Champenois, à défaut de la mère,
Veut à sa fille expliquer un mystère
Cher à l'Amour encor plus qu'à l'Hymen :
« Le ciel a dit, par la voix de l'Église :
« Femme, soyez à votre époux soumise.
« Cette nuit donc dans ses bras caressants,
« Blanche, obéis à ton mari qui t'aime,
« Et je tiendrai sur les fonts de baptême
« D'ici neuf mois le plus beau des enfants. »
De la quitter, à ces mots, il s'excuse,
Et laisse au lit notre vierge confuse.
Le lendemain, à peine le soleil
Avait doré la couche d'hyménée,
Que le père entre et court, à son réveil,
Revoir au lit notre jeune épousée :
« Je t'ai promis, » dit-il en l'embrassant,
« D'être parrain de ton premier enfant ;
« Faut-il bientôt commencer les emplettes ?
« – Oui, mon papa, » dit Blanche en rougissant ;
« Mais, s'il vous plaît, commandez cinq layettes. »
Adalbert Deganne avait été rejeté, il en éprouvait un fort dépit et avait décidé de faire sa vie loin de sa région natale et de toutes les désillusions qu’il y avait rencontrées.
Arrêtons-nous un instant sur cette hypothèse.
Qu’est-ce qui peut bien pousser un homme à faire construire un château qui va lui coûter fort cher, qu’il n’habitera jamais, qu’il ne meublera jamais et dont il ne saura pas quoi faire ?
Et un château, copie conforme, d’un autre déjà existant ?
Sinon un dépit amoureux.
Le château original a été offert en cadeau de mariage à Marie-Clémentine Clicquot. Tout porte à croire que c’est elle qui serait à l’origine de ce chagrin, d’amour. Ce château avait été construit de 1843 à 1848. La veuve Clicquot avait dit à l’architecte Arveuf qu’elle avait retenu pour cette construction : « Inspirez-vous de Chambord ! »
Deganne a fait recopier ce château en faisant en sorte qu’il ressemble le plus possible à l’original. Il fera ouvrir des avenues qui se croisent autour d’un grand rond-point, la place de Verdun actuelle, exactement comme les grandes allées du parc du château de Boursault se rejoignent elles-aussi pour former un grand rond-point au milieu de la forêt.
S’il n’avait été attiré que par la qualité de l’architecture de cet édifice, il aurait pu demander à son propre architecte de s’en inspirer, mais en aucun cas de le copier servilement.
Non, il a voulu absolument le même.
Il lui fallait bien une bonne raison.
Marie-Clémentine s’était mariée le 29 mai 1839 avec le Comte Louis de Ro-chechouart de Mortemart. Dont la mère était née de Montmorency, comme celle du comte Adalbert de Talleyrand-Périgord. Sa famille avait pour devise : Ante mare un-dæ 11.
Il nous est présenté comme étant « doux et très précieux ».
Plus tard sa fille écrira : « Mon père était la bonté même, avec l’autorité paternelle il avait le cœur doux et tendre comme la meilleure des mères 12. » Il ne s’intéressera qu’aux orchidées qu’il cultivait dans les serres qu’il avait fait installer auprès du château.
Il va cependant faire tout de suite deux enfants à sa femme : Victurnienne, Pauline qui naît le 6 juin 1840 et Marie, Anne, Paul, Victurnien, le 28 mai 1841.
Ils sont malingres. La première meurt à 10 ans et le second à 12.
1843, la construction du château commence.
1845, Adalbert Deganne se marie à son tour.
En 1847, Marie-Clémentine met au monde une nouvelle fille, Anne, qui ne ressemble pas à ses frère et sœur, elle vivra 86 ans.
En 1848, le château Boursault est fini d’être construit.
En avril 1853, 5 ans plus tard, Deganne commence le sien.
Qu’en dit-il :
« Je me suis surtout inspiré d’un château des bords de la Marne, dont j’avais admiré le merveilleux ensemble et les plus ravissants détails. J’ai fait plusieurs voyages pour contempler ce chef-d’œuvre 13. »
Tiens, tiens, qu’est-ce qu’il pouvait bien aller faire à Boursault ?
Sinon y rencontrer Marie-Clémentine, Comtesse de Rochechouart de Mortemart ?
Peut-être que mon hypothèse ne convainc personne ?
En préparant cette petite communication, je suis tombé sur un texte que je ne connaissais pas quand je l’avais émise :
« A ce château seigneurial il fallait un blason. Vous aviez trop les goûts aristocratiques pour l’oublier, et assez d’habileté pour en composer les armes parlantes qui flottaient capricieusement au vent le jour de nos dernières régates. Sur un fond d’azur, symbole de l’amour que vous avez voué à Arcachon, fruit de vos œuvres, s’arrondit, dans son plein une lune blanche… Au milieu de cette lune, un cœur percé d’une flèche rappelle à la triste humanité qu’on n’enfante pas sans douleur 14. »
Un cœur percé d’une flèche !
Peut-on être plus clair ?
Mais en vérité, au dessous de ce cœur, Deganne avait fait placer une devise : «Virtus post funera vivit. » Le mérite vivra après la mort.
Le cœur traversé d’une flèche est le blason de la ville de Vertus : d’argent au cœur de gueules percé d’une flèche renversée de sable, ferrée d’argent, posée en bande.
Dont la devise est : Vivit post funera virtus : le courage survit à la mort.
Je crois Deganne assez malin pour avoir joué sur cette ambiguïté, en faisant croire que son oriflamme rappelait son village natal alors qu’il avait une tout autre signification.
Qu’il ne pouvait pas avouer à son épouse dont l’argent avait servi à construire le château arcachonnais. Il est vrai qu’Adalbert Deganne était resté attaché à son village natal, mais le château Boursault n’avait rien à voir avec Vertus.
Une seule fois, trois ans avant sa mort, il donnera une explication on ne peut plus vaseuse des raisons de sa construction :
« Mais M. Deganne voulait prouver que le fait de « bâtir sur le sable », même sur le sable de la mer, n’est pas toujours aussi déraisonnable que le proverbe veut bien le dire, et il tenait à donner une impulsion vigoureuse, irrésistible, aux grandes constructions qui seules pouvaient imprimer à la station balnéaire d’Arcachon le cachet de confort, de bien-être et de durée qui convenait à cette délicieuse plage, si favorisée par la nature, et faire naître l’idée de créer une station d’hiver dans cette vaste forêt au doux climat et aux bienfaisantes émanations résineuses 15. »
Que du bla-bla d’autant plus qu’il tient à préciser en note :
« M. Deganne n’a point fait un objet de spéculation de la construction de son château, qui n’a jamais été loué, ni destiné à être loué et encore moins vendu à qui que ce soit 16 ».
Ne pas en faire un objet de spéculation pour quelqu’un qui était un spéculateur chevronné, cela devait être un très gros sacrifice.
En fait, et j’en suis convaincu jusqu’à ce que quelqu’un puisse me prouver le contraire, ce château avait été érigé par Adalbert Deganne comme mausolée de ses amours contrariées.
Un mausolée ne se loue pas, n’est pas fait pour être loué ni vendu à qui que ce soit. Et en règle générale, un mausolée n’est pas non plus habité.
La seconde hypothèse dans cette affaire concerne la raison pour laquelle il avait choisi notre région comme point de chute.
Il est quand même assez peu probable qu’il ait lu dans son journal local : Cherche conducteur de travaux pour participer à la construction d’une ligne de chemin de fer au départ de Bordeaux.
Et qu’il ait envoyé un curriculum vitæ qui lui aurait valu une embauche à l’essai dans la Compagnie du chemin de fer de Bordeaux à La Teste.
Par contre, lors des études préalables à la création de cette ligne, il était apparu qu’elle allait traverser une « zone de défense du royaume », nécessitant un examen par des ingénieurs civils et militaires. Claude Deschamps et son gendre, Jean-Baptiste Billaudel, avaient été désignés pour cette mission. Ces deux ingénieurs connaissaient donc parfaitement ce projet.
Claude Deschamps, ingénieur des Ponts & Chaussées, était le successeur de Nicolas Brémontier comme inspecteur divisionnaire de la Gironde. C’est lui qui avait construit le pont de pierre de Bordeaux en 1821-22.
Sa fille avait épousé Jean-Baptiste Billaudel (12/06/1793 - 23/06/1851), X-Ponts, Conseiller général du département de la Gironde (1839-1847), Maire de Bordeaux (1848).
Mais surtout, Claude Deschamps était un « pays » d’Adalbert Deganne. Il était en effet né à Vertus d’où sa famille était originaire et où son père avait été médecin.
C’est ce lien qui, à mon sens, explique le choix de notre région comme refuge par Adalbert Deganne.
Adalbert Deganne, homme d’affaires.
Sur le chantier de la ligne Bordeaux-La Teste, Adalbert devait travailler sous les ordres de Jean-Marie de Silguy, X-Ponts, ingénieur en chef des Ponts & Chaussées qui était secondé par le tout jeune X-Ponts, Adolphe Alphand, lequel n’avait que quatre jours de moins qu’Adalbert et participait là à son premier chantier. La construction de la ligne une fois terminée, Adalbert Deganne reste à son service au titre d’ingénieur, déjà ingénieur, de l’exploitation et de l’entretien.
Quand il se marie le 7 mai 1845, avec Marie-Anne Robert, dite en famille Nelly, il se prétend en effet ingénieur, domicilié à La Teste mais demeurant à Bordeaux.
Sa femme est née le 17 septembre 1816 et elle est la fille 17 de Jean-Baptiste Robert (1772-1823) officier de santé.
Elle a hérité de son père les parcelles de Binette d’un peu plus de vingt hectares près de l’église et d’Eyrac-Les Places, plus grande. En tout, quelque chose comme 50 hectares sur les 756 que comptera la future commune d’Arcachon.
En épousant sa femme, Adalbert épouse aussi la spéculation foncière aux délices de laquelle elle sacrifiait déjà. Elle avait en effet commencé à morceler son patrimoine en vendant, en janvier 1844, deux parcelles en bordure du Bassin. La première à Nathaniel Johnston et la seconde à Frank Cutler qui y construiront respectivement la villa Mogador et celle devenue par la suite la villa Pepa. Mais elle l’avait peut-être fait sur les conseils de son futur époux qu’elle semblait fréquenter depuis quelques temps déjà.
L’emploi d’Adalbert à la compagnie de chemin de fer semble lui laisser assez de loisir pour qu’il s’intéresse, dès 1847, à un projet de ligne Bordeaux-Le Verdon dont quelqu’un, qui nous reste inconnu, est venu lui parler.
L’année suivante, le 30 octobre 1848, la ligne Bordeaux-La Teste est placée sous séquestre pour être désormais exploitée par le Ministère des Travaux Publics. C’est Pierre Deschamps, X-Ponts, le fils de Claude Deschamps qui avait succédé à son père comme ingénieur en chef de la Gironde et qui avait la ligne en charge depuis décembre 1846, qui était nommé administrateur du séquestre. Péripétie qui ne paraît pas rassurante quant aux compétences de notre « ingénieur », dont on ne connaît pas, il est vrai, le niveau de responsabilité dans l’exploitation de la compagnie.
Dès l’année suivante, celui-ci quitte son service. En 1850, Pierre Deschamps abandonne ses responsabilités relatives à cette ligne et Adolphe Alphand devient inspecteur de l’exploitation commerciale.
On a du mal à comprendre comment notre Adalbert Deganne a pu assurer, comme il le prétend, un rôle d’ingénieur de l’exploitation et de l’entretien au milieu de cet aréopage d’X-Ponts.
Il entame alors, si j’ai bien compris, une carrière de spéculateur foncier. Il va s’appuyer pour cela sur le patrimoine de sa femme. Avec une méthode peut-être originale, mais très simple. Ensemble, ils possèdent, par exemple, une parcelle difficile d’accès, qui vaut 100. Ils consacrent 20 % de celle-ci, dont ils abandonnent la jouissance tout en en conservant la propriété, à l’ouverture d’une nouvelle voie qu’ils aménagent à leurs frais. Les 80 % de la parcelle qui leur restent sont maintenant facilement accessibles, ce qui en augmente la valeur. Avant, ils détenaient une parcelle qui valait 100, maintenant, ils en disposent d’une plus petite, soit, mais qui vaut 200 !
Il faut leur reconnaître aussi qu’ils verront grand. Leurs voies font souvent 25 mètres de large quand la ville se contente, pour celles qu’elle ouvre elle-même, de 12 mètres quand ce n’est pas 8. Peut-être pensaient-ils que la plus-value à en attendre était directement proportionnelle à la largeur de la voie ouverte ?
Adalbert avait débuté cette activité en faisant bourse commune avec sa femme, à partir de l’important patrimoine qu’elle lui avait apporté en dot. Parce que leur contrat de mariage précisait que tous les biens de celle-ci « présents et à venir sont dotaux et peuvent être vendus avec autorisation amiable du mari à condition que le prix soit réinvesti en biens qui deviendront à leur tour dotaux 18.»
On n’est jamais trop prudent.
Il écrira, en 1862, à Lamarque de Plaisance :
« Au lieu de 70 hectares que vous signalez à la page 16 comme nous appartenant, c’est 100 hectares que vous auriez dû dire, et ces 100 hectares ne sont pas la propriété de Mme Deganne, comme vous le dites à la page 20 : 50 appartiennent à Mme Deganne, et 50 ont été achetés par moi 19. »
Dès 1853, il s’engage dans la construction de son château.
Il y a là, quelque chose qui ne colle pas.
Il écrira trente ans plus tard, en parlant de lui à la troisième personne :
« C’était de sa part une grave détermination ; sa fortune était loin d’avoir alors l’importance qu’elle a acquise aujourd’hui, et il fallait être doué d’une forte dose d’audacieuse confiance pour se lancer dans l’exécution d’un pareil édifice 20. »
Mais il avait aussi prétendu :
« J'y ai dépensé un peu moins des trois millions qu'a coûté le modèle 21. »
Trois millions de francs de l’époque, font à la louche, sept millions d’€uros d’aujourd’hui.
Nous pouvons y aller à la louche parce que beaucoup de choses montrent qu’en vivant dans le Sud, il en avait pris bien des défauts et en particulier la pratique de la galéjade.
Considérons que son château lui aura coûté quelque chose comme un million de francs.
C’est déjà beaucoup.
Jetons un regard sur la conjoncture arcachonnaise de cette époque :
« De nouvelles constructions se préparaient encore lorsque la révolution de 1848 vint jeter l’inquiétude et le découragement dans les esprits : l’exécution de tous les projets fut aussitôt ajournée et les acquisitions de terrains cessèrent presque complètement 22. »
« De 1849 à 1851, Arcachon ne fit presque pas de progrès. A peine était-on un peu remis des terreurs de 1848, que déjà l’on voyait à l’horizon poindre, terrible et menaçante, la fatale échéance de 1852. Au lieu d’augmenter, le nombre des baigneurs semblait plutôt décroître ; et, pendant un laps de temps de près de quatre années, on ne construisit, sur les bords du Bassin, qu’une vingtaine de maisons 23. »
Le moins que l’on puisse en dire, c’est qu’elle n’était pas favorable à la spéculation. Approfondissons maintenant la situation d’Adalbert, en nous aidant du travail fait par Robert Aufan sur la naissance d’Arcachon, dans son activité de « marchand de biens ».
En 1850, il développe un chiffre d’affaires de 1 150 francs, en 1851 de 15 840 francs, en 1852 de 6 900 francs, en 1853 de 8 350 francs, en 1854 de 1 450 francs. A ce rythme, et même si Robert Aufan n’est pas exhaustif, il est loin de rassembler le million dont il a besoin.
Où a-t-il trouvé ce million pour payer son château ?
Dans la dot de son épouse ?
Dans une spéculation boursière autour des actions de la Compagnie du chemin de fer de Bordeaux à La Teste ?
Le séquestre placé sur cette ligne sera levé le 1er septembre 1853 pour permettre de la vendre à la Compagnie du Midi des frères Pereire. Ses actions, dont le cours avait atteint 650 francs pendant la construction, s’était effondré jusqu’à 60 francs, remonteront à la suite de cet accord à 322 francs en 1853 et atteindront 800 francs en 1856 !
Dans la cassette personnelle de Marie-Clémentine de Mortemart de Rochechouart ?
Allez savoir.
Une chose paraît sûre, l’argent ne parvenait pas de sa famille de Vertus. Il avait encore ses deux frères et il n’héritera de son père qu’en 1883. Et en plus, en 1853, Nelly Deganne réemploiera une partie des fonds tirés des ventes de ses propriétés arcachonnaises dans l’achat, pour 7 500 francs, d’une maison à Vertus.
Et même si sa spéculation foncière s’accélère avec les années, elle reste toujours loin du million. En 1856, il vendra 3 hectares 39 à la Compagnie du Midi pour 3 390 francs, et en 1857, 2 hectares 44 pour 3 244 francs tout en en rachetant 1 hectare 19 pour 1 190 francs.
S’est-il fait l’auteur d’un délit d’initié ou bien a-t-il su saisir avant les autres l’air du temps ?
Je pencherais pour la deuxième hypothèse.
Ecoutons-le :
« En 1852-1853, plus encore peut-être qu’aujourd’hui, les opérations industrielles faisaient fureur : chacun brûlait d’y prendre part. Bien des gens, éblouis par des fortunes rapides dues à l’exploitation financière des idées des hommes spéciaux, se mettaient en quête de tous les projets qui semblaient leur promettre un succès pareil. C’est ainsi que presque toutes les carrières, même les plus incompatibles avec les hasards de la spéculation, fournirent le personnel d’un grand nombre de Compagnies 24. »
Adalbert Deganne, venu d’ailleurs, avait un sens très développé de la propriété, curieusement tout à fait partagé par son épouse 25. Il ne comprenait pas bien l’intérêt des droits d’usage qui venaient l’embêter dans son petit business.
Le 20 juin 1852, il écrit aux maires de La Teste et de Gujan pour leur proposer, en étant sans doute le premier à le faire, « l’affranchissement » de ces droits d’usage frappant sa propriété.
Il finira par avoir gain de cause. La procédure officielle de rachat de ces droits d’usage débutera le 10 novembre 1853, initiée par Alphonse Lamarque de Plaisance, alors maire de La Teste.
En attendant, Deganne se comporte comme si elle était déjà acquise. Et de clôturer ses propriétés et d’en couper les arbres qui ne lui plaisent pas et de les vendre et même, suprême provocation, de les vendre à des estrangeys.
Il sera pour cela poursuivi en justice par le Conseil des usagers et condamné en 1854.
Juste retour des choses, parce qu’Adalbert Deganne était très procédurier 26. C’est même un trait de caractère essentiel de sa personnalité. Il sortait son huissier à tout bout de champ, pour un oui ou pour un non. Il était pain béni pour cette profession.
Juste une anecdote.
Toujours cette même année, Martin Bouscaut, un jeune invalide de guerre sans doute de retour de l’expédition algérienne, s’était permis de ramasser du bois mort sur la parcelle de Binette, non-assujettie aux droits d’usage. Aussitôt Deganne, propriétaire de la dite parcelle, le traîne devant le tribunal, à Bordeaux, qui choisit cependant de relaxer le prévenu.
De retour chez lui, fort marri, le jeune invalide, – qui ne devait pas l’être de ses deux bras, jugera bon de préciser Jacques Ragot – remonté par sa mère, ira avec icelle dans le jardin de la maison de Deganne en déclarant à qui voulait les entendre : « Ces arbres sauteront et il sautera aussi. » Ils y couperont et y abattront tout ce qu’ils pourront. Et cela trois jours durant, malgré les incantations de Deganne auquel ils réclamaient 300 francs pour cesser leur carnage. Tout y passera et le jardin anglais et le cabinet de verdure de Nelly Deganne. Jusqu’au retour du maire qui fera intervenir la force publique. Il le rappellera à Adalbert Deganne :
« Parvenu sur les lieux où les faits s’accomplissent, j’avoue que la vue de ce spectacle m’impressionna. Partout, le sol était jonché de débris sur lesquels la mère et le fils se posaient, devant vous, fièrement en vainqueurs 27. »
Finalement, les deux usagers seront lourdement condamnés, cette fois, pour avoir abusé de leurs droits d’usage.
Et puis les évènements se précipitent.
Le 15 avril 1854, Arcachon est érigée en paroisse.
Le 9 avril 1855, la levée définitive des droits d’usage, pour ce qui concerne exclusivement la petite Montagne, est promulguée. Avant cela, l’hectare valait 400 francs. Les ayant-pins dédommagent les usagers sur la base de 300 francs l’hectare. Tout de suite derrière, l’hectare passe à 1 000 francs. Mais pour les parcelles en bord de Bassin, les prix s’envolent littéralement. On voit des prix à 20 francs le mètre carré, soit 200 000 francs l’hectare. Adalbert Deganne entre dans le club des millionnaires. Il est maintenant un stakhanoviste de la spéculation foncière. Avant cette levée des droits d’usage, il a déjà vendu 3 parcelles de plus de 1 000 m2 à Binette et pas moins de 47 parcelles à Eyrac, dont 24 de plus de 1 000 m2 et sur ces 24, sept étaient situées en bordure de Bassin. Il a aussi ouvert plusieurs voies. L’avenue Sainte-Marie en 1852, les allées de Rivoli en 1853, qui deviendront l’avenue Lamartine, Euphrosine Street en 1854, l’actuelle avenue Gambetta.
Six jours après la levée des droits d’usage, le 19 avril 1855, Deganne écrit au préfet pour lui demander la séparation d’Arcachon d’avec La Teste. Il accompagne sa lettre d’une pétition ne portant qu’une seule signature : la sienne !
La même année, la chapelle Saint-Ferdinand est édifiée.
Le 31 mai 1856, la chapelle d’Arcachon est instituée en vicariat.
Enfin, le 2 mai 1857, la commune d’Arcachon est créée.
Notre Adalbert Deganne n’était pas resté les bras croisés. Il y avait longtemps qu’il avait compris que le prolongement de la ligne de chemin de fer jusqu’à Arcachon entraînerait de facto une jolie plus-value pour ses propriétés foncières.
Et de se préoccuper de très près de ce dossier.
Dès son arrivée, la Compagnie du Midi avait étudié l’opportunité de ce prolongement. En 1854, un projet de l’un de ses ingénieurs était déposé qui comportait deux stations aux deux extrémités de la ville : à l’Aiguillon et à la pointe de Bernet. La ligne faisait 6 kilomètres de long. L’année suivante, notre « ingénieur en chemin de fer » propose à son tour non seulement un tracé deux fois plus court ne comportant plus qu’une gare située au débouché de son château, mais aussi d’en assurer la réalisation, bien sûr pour le compte de la Compagnie du Midi. Le 9 février 1856, Eugène Rouher, alors ministre de l’Agriculture du Commerce et des Travaux Publics, oppose une fin de non-recevoir à ce nouveau projet. Ce qui n’empêche pas notre « ingénieur » de poursuivre les terrassements qu’il avait déjà commencés. Il ne se découragea pas et parvint à obtenir qu’une nouvelle enquête soit diligentée par l’Administration. Laquelle, mise devant le fait accompli, finit, fin 1856, par lui donner raison à l’exception du positionnement de la gare que Deganne avait prévu perpendiculaire à la voie alors que l’Administration la préfère parallèle à la dite voie, permettant ainsi un éventuel nouveau prolongement.
Durant toutes ces palinodies administratives, Adalbert terrasse avec ardeur. Aidé de 400 ouvriers. Tant et si bien que la voie est livrée au public le 26 juillet 1857, moins de 3 mois après la création de la ville. La gare sera toutefois édifiée par la suite.
Il est incontestable que son action a permis cette ouverture bien plus rapidement que s’il ne s’en était pas occupé. Lui permettant ainsi de s’autoproclamer bienfaiteur de la ville nouvelle d’Arcachon.
Titre qu’il va authentifier dès 1859 par la publication d’une Notice sur le chemin de fer de La Teste à Arcachon par un Arcachonnais. Imprimerie G. Gounouilhou, Bordeaux-1859.
Une notice dans laquelle cet Arcachonnais conclut :
« En résumé, il est certain que si M. Deganne s’était tenu sur l’expectative, et n’avait pris lui-même l’initiative dans cette occasion ; s’il n’avait pas élaboré et présenté un projet qui réalisait sur celui de la Compagnie une économie de plus d’un million ; s’il n’avait pas commencé les travaux avant que les formalités d’approbation et d’enquêtes eussent été remplies, évidemment le chemin de fer d’Arcachon attendrait encore son exécution 28. »
Un Arcachonnais dans lequel tout le monde, bien sûr, avait reconnu Adalbert Deganne 29.
En vérité, en prenant les choses en main, il avait fait très attention à ce que le tracé traversât le plus possible ses propriétés, obligeant la Compagnie du Midi à l’en dédommager copieusement. Il s’était également assuré une sérieuse marge financière sur les travaux qu’il avait fait réaliser par des sous-traitants dont plusieurs avaient brusquement abandonné le chantier au mois d’avril 1857, certainement pas à cause de la générosité du donneur d’ordre. Bien sûr, il avait aussi fait en sorte que la gare soit édifiée non loin de son château, au milieu de l’une de ses plus importantes parcelles, faisant bénéficier celle-ci de la plus grosse plus-value possible. Avant de s’intéresser à l’intérêt d’Arcachon, il s’intéressait d’abord au sien. Mais sa chance, ou sa force, avait été que les deux intérêts se confondent.
La petite histoire raconte qu’il aurait jugé que son intervention bénéfique pour l’avenir de la ville d’Arcachon méritât pour le moins la légion d’honneur. Mais qu’Alphonse Lamarque de Plaisance avait usé de son entregent pour qu’il n’en soit pas décoré. Ce qui pourrait être le point de départ de la véritable haine qu’Adalbert nourrira désormais à l’encontre du maire d’Arcachon.
En 1858, il emploiera des procédés on ne peut plus mesquins pour marquer son mécontentement de voir la nouvelle église construite trop loin de ses propres terrains. Refusant de vendre une parcelle de quatre mètres de large nécessaire à la construction de l’abside et obligeant le maire à recourir à l’expropriation pour raison d’utilité publique.
Au même moment, il est condamné à 100 francs d’amende et à la confiscation de l’équipage à l’aide duquel l’un de ses employés avait soustrait un sac d’avoine du droit d’octroi de 0,50 franc dont il était redevable.
L’appétit venant en mangeant, parallèlement à la prolongation de la ligne de chemin de fer jusqu’à Arcachon, notre « ingénieur » conduit alors une autre affaire ferroviaire.
Le rachat par les frères Pereire de la ligne Bordeaux-La Teste avait réveillé, chez lui, cet ancien projet d’une ligne Bordeaux-Le Verdon qui l’avait déjà occupé en 1847.
Mais Bordeaux-Le Verdon, c’est autre chose que les trois kilomètres de La Teste-Arcachon.
Il s’assure le concours de six associés. Avec lui, cela fait sept, chiffre essentiel pour constituer une société anonyme.
Il apporte dans la corbeille, l’idée et les études qu’il avait commencé à réaliser sur le terrain.
Conscient de ses capacités d’ingénieur en chemin de fer, il requiert les services d’un certain Tabuteau, véritable ingénieur des Ponts & Chaussées. Cela pourrait bien servir.
A cela s’ajoute André Barincou, avoué près le Tribunal de première instance de Bordeaux, qui aura en charge l’apport de capitaux, que ce soit les siens ou ceux de nouveaux actionnaires qu’il se fait fort de démarcher.
L’avoué subodorant la bonne affaire, amène avec lui ses deux beaux-frères, Amédée Bergmiller, grand propriétaire et Michel Chaine, important commerçant de Bordeaux et un ami, Charles Princeteau, avocat près la Cour Impériale de Bordeaux.
Un avoué, un avocat, Adalbert recrute dans un milieu qu’il connaît bien pour souvent le côtoyer : le milieu judiciaire.
A ces six personnages s’ajoute un parisien, Lefèvre de Laroche qui est dispensé d’apporter des capitaux mais qui doit intervenir à Paris pour aider à l’obtention de la concession. Le trafic d’influence, une vielle recette bien française.
Ce qu’il parvient à faire, le 17 octobre 1857.
Adalbert Deganne se bombarde aussitôt Ingénieur en Chef des Chemins de Fer du Médoc.
On se dirait dans les Pieds Nickelés construisent une ligne de chemin de fer.
Son projet consiste à desservir les vignobles du Médoc, en passant par Pauillac, et de déboucher à l’embouchure de la Gironde à hauteur du Verdon. Cette ligne a comme point commun avec celle de Bordeaux-La Teste de ne pas nécessiter d’ouvrages d’art notables et de laisser ainsi entrevoir un faible prix de revient. L’initiateur du projet estime que les travaux s’élèveront à 15 millions 30 de francs, somme que l’avoué Barincou et ses affidés se doivent de lui trouver. Et que le produit net annuel avoisinera les 700 000 francs. Mais il se réserve toutefois la possibilité, comme l’avaient fait les frères Pereire, de prolonger sa ligne jusqu’à… Royan, en creusant un tunnel sous l’estuaire de la Gironde !!
« Le projet semble assuré de la sympathie d'un grand nombre de propriétaires qui discernent la plus-value qui en résultera pour leurs biens ; quelques-uns envisagent une cession gratuite des terrains nécessaires à la voie ; d'autres paraissent disposés à accepter en paiement des actions de la société, d'autant plus qu'un calcul de rentabilité laisse espérer aux actionnaires un revenu exceptionnellement élevé, de l'ordre de 10 % 31 ».
Le cahier des charges de la concession exige cependant le dépôt d’un cautionnement de 450 000 francs. Jacques et Isnel Escarraguel, de l’entreprise Escarra-guel Frères 32, s’obligent à fournir 400 000 francs contre la promesse d’être attributaires des travaux à effectuer. Les 50 000 francs restant doivent être partagés en six puisqu’il était entendu que Lefèvre de Laroche ne participerait pas financièrement. Mais l’un des six étant absent, il est décidé de répartir sa charge sur les cinq autres, ce que les associés de Deganne refusent. C’est Adalbert qui doit se libérer de ces 16 666,66 francs, ce qu’il ne fait pas sans quelques difficultés.
Malheureusement, les associés chargés de trouver des capitaux faillent à leur mission d’autant plus qu’il se révèlera que leur objectif réel était de revendre leur part au plus tôt en empochant une plus-value substantielle.
Si bien que la concession est frappée de déchéance le 15 juin 1861 et l’Etat consent, heureusement, à rembourser 400 000 francs sur les 450 000 déposés au titre de cautionnement.
Cette déroute ferroviaire, qui lui aurait coûté 80 000 francs, marqua la fin définitive des prétentions d’Adalbert Deganne à devenir un grand capitaine d’industrie.
Une nouvelle concession fut attribuée le 2 juin 1863 dans laquelle il n’avait plus aucune part et le concessionnaire eut beaucoup de peine à ouvrir une ligne qui le fut par section, entre 1865 et… 1875 et qui coûta 23 250 000 francs.
Elle arriva jusqu’à Soulac le 1er août 1874.
Cette péripétie pitoyable avait fait sourire à Arcachon, surtout Alphonse Lamarque de Plaisance. Elle faisait sourire d’autant plus qu’elle avait, à son début, inquiété. Arcachon en était encore aux balbutiements et considérait Biarritz et Royan comme ses deux concurrents naturels. Les édiles arcachonnais voyaient d’un très mauvais œil s’ouvrir un nouveau front, par exemple à Soulac. Et ils avaient raison. Par exemple, après l’obtention de la nouvelle concession, ils pourront lire dans la presse :
« Lorsqu'on pourra venir en deux heures de Bordeaux à Soulac, tenez pour certain que le bassin d'Arcachon perdra la meilleure part de sa clientèle. La plage de Soulac, en effet, est sans rivale au monde par sa sécurité et son étendue. En face de la vague de Soulac, la vague d'Arcachon fait sourire. Puisqu'on n'a pas craint d'appeler la mer Méditerranée un lac, on peut bien appeler le bassin d'Arcachon une baignoire. J'aurais pu dire une cuvette, mais il ne faut pas faire de la peine aux gens.
On prête à la Compagnie du chemin de fer du Médoc l'intention de fonder à Soulac un établissement considérable : les plans d'une ville de plaisance seraient déjà tout arrêtés. Si cela est vrai, il n'est pas nécessaire d'être prophète pour prédire l'avenir. Les bains de Soulac rivaliseront avec les plus célèbres et feront une redoutable concurrence aux mieux achalandés 33. »
On pourrait penser qu’Adalbert s’était lancé dans cette aventure dans le seul but de torpiller la ligne et ainsi de protéger les plus-values latentes de son patrimoine. Mais ce serait lui prêter un machiavélisme qu’il n’avait pas. D’ailleurs tous les procès qu’accompagneront son échec montrent que tout cela n’était pas prémédité. Des procès intentés à ses anciens associés, disait-il, qui « l’accusaient d’insolvabilité, quoiqu’ils connussent mes propriétés immobilières. » Quelle outrecuidance !
Force nous est de constater que l’ingénieur en chef de la ligne du Médoc aura, dans cette affaire, engagé plus de procès qu’il n’aura fait poser de traverses de chemin de fer.
L’homme public.
Adalbert Deganne se consacre alors exclusivement à ce qu’il sait faire, c’est-à-dire à spéculer sur le foncier.
En juillet 1860, des élections municipales sont organisées. Alphonse Lamarque de Plaisance, qui le 23 mai 1857 n’avait pas été élu mais désigné maire de la ville nouvelle, ne se présente pas. Pas plus qu’Adalbert Deganne. Les listes électorales ne comportent que 167 inscrits. Mais il faut se rappeler que les femmes ne votaient pas. Cela laisse à penser que la ville compte entre 500 et 550 habitants. Au recensement de l’année suivante, ils seront déjà 736.
Les membres de l’équipe municipale précédente, à l’exception du maire et d’un conseiller qui ne se représente pas, sont tous réélus à la presque unanimité des 148 votes exprimés.
Adalbert Deganne, qui n’est donc pas candidat, est quand même crédité de 3 voix. Le Journal d’Arcachon, journal municipal, publie les résultats in extenso qui peuvent laisser penser que le candidat Deganne n’aurait obtenu que 3 voix quand les autres en obtiennent plus de 140 chacun.
Il ne déroge pas à sa manie habituelle et envoie derechef un exploit d’huissier au dit journal.
Quand il fallut désigner le maire, les conseillers choisirent de renommer Alphonse Lamarque de Plaisance qui devint donc un maire pris hors du Conseil Municipal.
L’année suivante, quand celui-ci décide d’entourer la ville d’un boulevard de ceinture, non seulement Adalbert Deganne juge ce dernier trop étroit mais le tracé retenu ne lui convient pas. Parce que ce boulevard manquerait d’ambition et aussi sans doute parce qu’il ne favoriserait pas assez ses propriétés. Il commet alors une nouvelle brochure, que cette fois il signe :
Adalbert Deganne, Quelques notes à propos du boulevard de ceinture et des travaux communaux, Typographie G. Gounouilhou, Bordeaux-1862.
Le maire y répond par une plaquette :
A. Lamarque de Plaisance, Réponse à la brochure de M. Adalbert Deganne, Imprimerie Générale de Mme Crugy, Bordeaux-1862
A laquelle Adalbert répond à son tour :
Adalbert Deganne, Réponse à Monsieur Lamarque de Plaisance, Chez M. La-cou, Arcachon-1862.
Agacé, le maire demande au préfet de transmettre au procureur impérial une plainte visant son adversaire.
Celui-ci riposte en portant plainte contre le maire qui à son tour porte plainte contre Adalbert Deganne pour double délit de dénonciation calomnieuse et d’injures.
Le 26 septembre 1863, Lamarque de Plaisance écrit au préfet :
« J’ai eu le malheur de rencontrer sur mon passage un homme que sa conduite inqualifiable à mon égard, ne me permet de vous signaler que par ses actes, et qui, depuis mon entrée en fonctions, n’a pas cessé un instant de me poursuivre de ses attaques injustes et passionnées… qui essaie de puiser dans son audace, sa persévérance et sa fortune considérable, des forces toujours nouvelles dans l’espoir de me faire abandonner, ou enlever, une autorité dont je n’ai jamais fait sciemment usage que pour les plus grands développements des intérêts dont la défense m’a été confiée 34… »
A la même époque, Adalbert Deganne s’attache la complicité du curé Xavier Mouls en lui payant l’orgue de sa nouvelle église.
Et il fait construire, toujours sur l’un de ses terrains, le collège Saint-Ferdinand qu’il vendra plus tard à l’ordre des Dominicains qui en feront le collège Saint-Elme.
Aux élections de septembre 1865, il réussit avec l’aide du curé Mouls, à faire battre Lamarque de Plaisance et sa liste dans laquelle siégeait pourtant Oscar Dejean, le cousin germain de son épouse. Adalbert Deganne entre enfin au Conseil Municipal. Pour les quinze ans qui vont suivre, la gestion municipale d’Arcachon ne sera pas un long fleuve tranquille.
C’est Charles Héricart de Thury qui est élu maire et avec lequel il va très vite se trouver en désaccord, au point de démissionner du Conseil en septembre 1868. Un Conseil qui est un vrai panier de crabes et qui sera dissous en février 1869, par la démission du maire.
Les élections qui suivront, le 12 avril 1869, verront Jean Mauriac devenir le nouveau maire, poste qu’il occupera jusqu’au renouvellement quinquennal d’aout 1870 où il sera reconduit en battant Lamarque de Plaisance.
Le 9 octobre 1869, Adalbert Deganne perd sa mère.
Jean Mauriac est révoqué le 9 septembre 1870, puis réintégré quatre jours après, puis à nouveau révoqué le 30 novembre 1870.
Le Conseil Municipal est alors dissous, une Commission municipale est nommée et Deganne est désigné comme maire. Il ne va pas le rester longtemps. Aux élections du 30 avril 1871, il est battu et Mauriac, réélu, redevient maire.
Le 22 juillet 1872, Nelly Deganne meurt brutalement, à Arcachon, d’une rupture d’anévrisme. Elle n’avait pas encore 56 ans.
Sans doute hérite-t-il de tout son patrimoine.
Le 9 février 1874, une fois encore, Mauriac décidément coutumier du fait, est révoqué.
La même année et en 4 mois, Adalbert Deganne fait construire le Grand-Théâtre qui deviendra la salle de l’Olympia.
Aux élections du 22 novembre 1874, Mauriac est réélu mais Deganne, Lamarque de Plaisance et son ami Gustave Hameau aussi.
Lamarque de Plaisance redevient maire.
Le dimanche 17 octobre 1875, Adalbert Deganne organise dans son château une grande fête républicaine en l’honneur d’Adolphe Thiers séjournant à Arcachon et qui avait démissionné de la Présidence de la République le 24 mai 1873.
Le 10 décembre 1875, le conseil municipal d’Arcachon est suspendu pour deux mois. Le 12 janvier 1876, la suspension est portée à un an et le 14 septembre 1876, Lamarque est à son tour révoqué et démissionne du conseil.
Le 8 octobre, Adalbert Deganne lui succède au poste de maire.
L’année suivante, le 11 septembre 1877, il reçoit en grandes pompes, dans son château, le Maréchal de Mac Mahon, Président de la République, qui lui remet, enfin, la légion d’honneur :
« La croix de la Légion d’honneur, que lui remit le maréchal Mac Mahon, le 11 septembre 1877, dans une des salles du château, fut donc la juste récompense de ses services, récompense qu’il méritait depuis 1857 et que, comme le soldat sur le champ de bataille, il reçut sur le lieu même où il avait combattu pour l’art et le progrès 35. »
« Qu’il méritait depuis 1857 », ce qui semble bien confirmer son attente déçue, après la prolongation de la ligne de chemin de fer jusqu’à Arcachon.
Le 24 octobre 1877, Marie Clémentine de Mortemart de Rochechouart décède à Paris.
Aux élections du 6 janvier 1878, Adalbert est réélu comme conseiller et conserve son poste de maire. C’est la première et la seule fois où il doit son écharpe au suffrage universel. Mais à cette élection Gustave Hameau a obtenu plus de voix que lui, et c’est un grand ami de Lamarque.
La grande affaire de la mandature sera l’achat, dont Adalbert se montre un chaud partisan, par la municipalité du Casino Mauresque. Une partie du Conseil y est très opposée et Adalbert développe, pour le Préfet, en août 1879, leurs arguments :
« La ville d’Arcachon n’était pas en état d’acheter le casino. Elle l’a fait, c’est une bêtise. La position topographique de ce monument est d’un accès difficile. Il faut trop monter pour y parvenir. Une fois dans le jardin on gravit un perron dont les marches sont en marbre du pays. L’intérieur désillusionne. Il est insuffisant et mal distribué ; les décors fanés et mesquins ont besoin d’être remplacés. L’entretien du jardin est trop dispendieux pour la commune, il faudrait immédiatement le rétrécir et vendre le superflu 36. »
Le conseiller municipal Hennon, d’opposition, guignait avidement ce superflu pour le lotir.
Du 4 décembre 1878 au 22 février 1880, cette opposition utilise des démissions à répétitions pour tenter de déstabiliser et de renverser Deganne.
Finalement le 4 février 1880, celui-ci démissionne à son tour, suivi en cela par 12 autres conseillers.
Les élections qui suivent, le 22 février, voient les anti-Deganne triompher et Gustave Hameau est nommé maire.
Adalbert Deganne a 62 ans, il se retire définitivement de la vie publique. Il aura été maire pendant pas tout à fait 4 ans, en trois mandats. En ayant été élu que pour un seul et désigné pour les deux autres.
Le 17 décembre de la même année 1880, son plus grand ennemi, Lamarque de Plaisance meurt.
La meilleure façon de triompher de son ennemi c’est encore de lui survivre.
C’est ce qu’il va faire pendant 6 ans.
Le 20 janvier 1883, il perd son père.
Dans l’année qui suit, paraissent des Notes sur les Œuvres d’Utilité Générale que M. Ad. Deganne a créées à Arcachon ou auxquelles il a contribué, par un Arcachonnais, Imprimerie de J. Delmas, Bordeaux-1883.
Une fois encore, tout le monde reconnaît l’Arcachonnais auteur de ce panégyrique.
Le 23 mars 1886, il sort de sa réserve, toujours égal à lui-même, et envoie une lettre au Conseil Municipal en expliquant que si celui-ci ne prend pas en compte ses desiderata concernant la voirie, il retirera, par codicille, 300 000 francs de l’ensemble qu’il se propose de donner à Arcachon, pour les transférer à la commune de Vertus.
Il meurt le 10 octobre 1886 et sa dépouille sera exposée sur un lit de parade, dans son château qu’il n’aurait jamais habité 37.
« Pour le docteur Lalesque, Deganne fut un « homme de bien » et devant sa tombe, le 12 octobre 1886, M. Gaussens déclara que « son administration fut aussi paternelle que bienveillante. Ses bienfaits ont été innombrables 38 ».
Les Arcachonnais pouvaient penser qu’ils en avaient enfin fini avec ses perpétuelles incartades et qu’ils allaient enfin être définitivement débarrassés de lui.
Il n’en était rien.
Le testament Deganne.
Un an plus tard, on peut « lire dans L’Avenir d’Arcachon du 1er mai 1887, citant le journal La Victoire du 27 mars précédent : « Du fond de sa tombe, il continue le système d’injures et de calomnies qu’il a pratiqué toute sa vie. Mieux vaut ne pas s’occuper de cet être malfaisant et haineux qui n’a même pas su avoir la pudeur de rendre sa mort respectable 39. »
Avec sa mort commence, en effet, l’affaire du testament Deganne.
Une véritable pantalonnade.
Ce testament avait été rédigé le 16 juillet 1879.
Dans celui-ci, le testateur commence par donner à son père la jouissance de tout ce qu’il possède à Vertus.
Puis il fait de Fernand de Maupassant (06/01/1843 - 27/05/1920) son légataire universel. Ce Fernand de Maupassant était inspecteur des chemins de fer à la Compagnie de l’Est et son père, Marc-Antoine de Maupassant (1802- ?), professeur et principal de collège à Châlons-sur-Marne. Il avait avec Adalbert un lien familial assez mal défini. Les uns le disent son oncle par sa mère, les autres son cousin.
Il avait épousé Marie-Joseph Lucien. Mais le grand-père d’Adalbert, Joseph-Antoine, avait de son côté épousé, en octobre 1794, une Marie Lucien. Une Marie Lucien dont le père était Pierre Lucien et la mère Françoise Deganne.
D’autre part, Fernand de Maupassant avait avec Guy de Maupassant (1850-1893) un aïeul commun à la sixième génération.
Après cette désignation, Adalbert Deganne consent plusieurs legs modiques à quelques personnes dont certains membres de sa famille. Mais rien à son frère Alexis dont le nom n’apparaît jamais dans le testament. Sans doute étaient-ils brouillés, puisqu’Alexis, bien qu’habitant Bayonne, s’est fait porter pâle le jour de l’enterrement d’Adalbert.
Il donne à la ville de Vertus son château de Cense, dont il devait savoir qu’il allait hériter de son père, sis sur le territoire de celle-ci à charge pour elle d’en faire un hospice qui devra s’appeler Hospice Deganne.
Il donne à Arcachon son château et les tableaux qu’il contient pour en faire un musée « qui portera à perpétuité le nom de Musée Deganne ».
Il donne de la même façon la maison qu’il habitait située en face de son château, sise entre le boulevard de la Plage et les avenues Nelly-Deganne et du Château au milieu d’un très important parc. Ainsi que le théâtre, le skating et les terrains qui les entouraient.
Il donne l’ensemble de tous les autres terrains dont il est encore propriétaire à Arcachon, pour un cinquième à Vertus et pour quatre cinquièmes à Arcachon. A charge pour ces communes d’entretenir l’Hospice Deganne pour la première et le Musée Deganne pour la seconde, à partir des capitaux tirés des ventes de ces terrains. Il ne manque pas, toujours dans son testament, de faire l’inventaire précis de ces terrains, vingt parcelles distinctes, en mentionnant, pour chacune d’entre elles, le prix du mètre carré minimum en dessous duquel les donataires n’ont pas le droit de les aliéner pendant les vingt années qui suivront son décès.
Il décide de la même façon, que vingt ans après sa mort, toutes les grandes voies qu’il avait ouvertes dans la ville et qui étaient encore sa propriété, reviendraient à la ville d’Arcachon, « à charge par elle de les entretenir et de n’en jamais changer la destination, la largeur, les dispositions ni les noms. »
L’exécution de ce testament pose à la ville d’Arcachon un certain nombre de difficultés, surtout au niveau de la vente des terrains avec des prix minima. Fernand de Maupassant s’en sert pour proposer une transaction aux termes de laquelle la ville deviendrait tout de suite propriétaire du château, du théâtre et du skating, mais lui abandonnerait la propriété des vingt terrains.
La ville refuse avec dédain.
Coup de théâtre !
Un mois et demi plus tard, Fernand de Maupassant sort de dessous les fagots, un codicille signé de son riche cousin et daté du 24 octobre 1882. Par lequel celui-ci décidait que si, au moment de sa mort, « G. Méran, Méran père, Méran juge, Hameau, Valleau banquier, Fombené pharmacien » appartenaient, ou seulement l’un d’eux, au Conseil Municipal d’Arcachon, il révoquait tous les legs fait à la ville d’Arcachon et les transférait à la ville de Vertus.
Adalbert avait pour le moins la haine tenace.
Lamarque de Plaisance lui disait, en 1862, dans le cadre de sa réponse à sa brochure, au sujet des nouvelles voies qu’il se vantait d’avoir ouvertes :
« Vous avez tellement opéré ce travail dans un but exclusif de spéculation, que, notamment pour votre allée Sainte-Marie, dans la crainte qu’il vînt à la pensée de quiconque aurait voulu acheter un emplacement à son extrémité ouest, que cette voie pourrait lui devenir utile, vous y aviez placé un écriteau portant : « Il est interdit aux acquéreurs de M. Méran de passer sur cette avenue. » Cet écriteau y serait encore, si, par acte extrajudiciaire, en date du 12 mai 1855, cet honorable propriétaire ne vous avait pas fait sommation de faire disparaître son nom d’une si étrange affiche 40. »
Ce à quoi il avait répondu :
« Non, Monsieur, ce n’est point l’acte extra-judiciaire dont vous parlez qui m’a fait enlever cet écriteau ; car après avoir fait disparaître le nom de M. Méran, je l’avais immédiatement rétabli ; et si depuis je l’ai enlevé définitivement, c’est parce que l’un de mes amis se trouvant co-propriétaire de M. Méran, j’ai tenu à ne lui être pas désa-gréable 41. »
Où l’on apprend qu’Adalbert aurait eu des amis.
Une pancarte qui allait coûter cher à Arcachon.
Parce que le 10 octobre 1886, jour du décès du testateur, non seulement le docteur Gustave Hameau et le pharmacien Fombené étaient conseillers municipaux, mais Georges Méran était le maire.
La ville est alors plus qu’embarrassée.
La lettre du 23 mars 1886, à laquelle il avait été fait droit, n’annulerait-elle pas le codicille antérieur ?
Fernand de Maupassant profite de ce doute pour proposer une nouvelle transaction. Il « offre » à la ville 200 000 francs et la propriété de toutes les voies désignées dans le testament en échange d’un abandon, par celle-ci, de toutes prétentions dans la succession de Deganne.
Une nouvelle fois, la ville refuse.
Il ne lui reste plus qu’à s’en remettre à force hommes de loi.
Même mort, Deganne est à l’origine d’une nouvelle affaire judiciaire, fort complexe. Pour ajouter à sa légion d’honneur, la profession judiciaire aurait bien pu lui donner une médaille.
Le verdict des hommes de lois consultés fut décevant en cela qu’ils conseillèrent à la ville de renoncer à la succession.
En 1893, la ville de Vertus renoncera de son côté, en échange de 75 000 francs et d’une rente annuelle de 6 000 francs, au legs Deganne. Peu de temps après, la même année, Arcachon fera de même mais en échange d’aucune indemnité.
Fernand de Maupassant rafla ainsi la mise. Il s’installa à Arcachon où il fit construire sur le parc de la résidence de son cousin, une villa qui porte son nom.
Et il reprit à son compte le fonds de commerce de spéculateur foncier que lui avait ainsi laissé son cousin.
Quand à la fin de 1919, il se retirera, ruiné, dans sa ville natale, grand seigneur, il offrira un buste en marbre représentant son cousin Adalbert Deganne.
Il avait une fille, Geneviève de Maupassant (1881- ?) qui avait épousé le 31 juillet 1900, le grand biologiste et généticien, Lucien Cuénot (21/10/1866 - 07/01/1951).
Ils eurent six enfants dont le chirurgien Alain Cuénot (1905-1988) qui choisit de s’installer à Arcachon où il ouvrit une clinique. La spéculation immobilière en aura raison et elle deviendra la résidence Maupassant.
Le touriste qui passe devant pense qu’elle rappelle ainsi le souvenir de Guy de Maupassant alors que le docteur Cuénot aura certainement voulu honorer sa mère, dont c’était le nom de jeune-fille.
Les curieux trouveront en note 42 le résumé de l’histoire de cette famille d’après des renseignements fournis par l’un de ses descendants et extrait d’un livre paru en 2004.
Conclusion.
Finalement, je ne sais pas si Nelly Deganne aura été pour Adalbert, une épouse ou une associée. Peut-être les deux ?
Nos trois personnages, le bon, la brute et le truand, partagent deux points communs assez inattendus.
Tous les trois seront décorés de la légion d’honneur ce qui prouve, s’il était besoin, que l’Etat ne sait pas véritablement séparer le bon grain et l’ivraie.
Même s’il se rachètera en finissant par rayer Mouls de cet ordre.
Leur second point commun est de ne pas avoir eu, aucun des trois, de descendance.
Pour Alphonse Lamarque de Plaisance, je ne connais pas son histoire 43.
Pour Mouls, c’est normal, il était prêtre.
Mais pour Adalbert Deganne ?
Son mariage a-t-il vraiment été consommé ?
Peut-être aura-t-il été jusqu’au bout fidèle à son amour de jeunesse ?
Notes
1 - Il n’a pas encore 20 ans quand il s’enrôle dans le 1er Régiment d’Artillerie comme simple canonnier. Il devient officier en décembre 1847. En 1854, il fait partie de l’expédition en Algérie où il accède au grade de capitaine (23 janvier 1856). Le 27 juin 1857, il est du combat du col de Chellata et deux jours plus tard de celui du village de Mezeguene qui valut au colonel dirigeant l’opération, Charles Louis de Margadel, d’être nommé général. Et à Alexis Deganne d’obtenir la légion d’honneur. De chevalier, il sera promu officier dans cet ordre, en 1871. Il finira sa carrière comme adjoint à la Direction de l’artillerie de Bayonne où il se retirera après avoir pris sa retraite le 22 décembre 1868, à 53 ans.
2 - (20/03/1837 - 25/03/1915).
3 - Dans la villa Montretout. Elle était la petite-fille du propriétaire du château Margaux.
4 - Alphonse Lamarque de Plaisance, Réponse à la brochure de M. Adalbert Deganne, Imprimerie Générale de Mme Crugy, Bordeaux-1862, p. 86-87.
5 J. Rousset-Nevers, E. Keller, A. Lesca-Seigne, Arcachon. Itinéraire pour une visite touristique et culturelle, Cercle Universitaire d'Arcachon, Arcachon-1985, p. 3.
6 - Anonyme, La belle époque à Arcachon en 400 cartes postales, Centre Socio-Culturel, Arcachon-1988, p. 30.
7 - Jacques Ragot, Arcachon au temps des étrangers de distinction, Graphica, Arcachon-1978, p. 69.
8 - Michel Boyé, Arcachon de A à Z, Editions Alan Sutton, Saint-Cyr-sur-Loire, p. 88.
9 - A. Lamarque de Plaisance, Réponse à la brochure de M. Adalbert Deganne, op. cit., p. 146.
10 - Anonyme, Le village de Boursault, Boursault-1988, p. 48.
11 - Littéralement : Avant la mer, les ondes, qu’il faut comprendre par : L'esprit surpasse la matière.
12 - Souvenirs de la Duchesse d’Uzès, née Mortemart, Librairie Plon, Paris-1939, p. 65.
13 - Adalbert Deganne, Réponse à Monsieur Lamarque de Plaisance, Chez M. Lacou, Arcachon-1862, p. 54.
14 - A. Lamarque de Plaisance, Réponse à la brochure de M. Adalbert Deganne, op. cit., p. 147.
15 - Notes sur les Œuvres d’Utilité Générale que M. Ad. Deganne a créées à Arcachon ou auxquelles il a contribué, par un Arcachonnais, Imprimerie de J. Delmas, Bordeaux-1883, p. 23.
16 - Ibid. p. 23-24.
17 - Elle est aussi la cousine germaine, par sa mère née Marie Dejean, d’Oscar Dejean qui deviendra maire de La Teste avant d’être remplacé par Alphonse Lamarque de Plaisance.
18 - Robert Aufan, La naissance d’Arcachon (1823-1857), « de la forêt à la ville », in le bulletin n° 81 du 3e trimestre 1994 de la Société Historique et Archéologique d’Arcachon et du Pays de Buch, p. 39.
19 - Adalbert Deganne, Réponse à Monsieur Lamarque de Plaisance, op. cit., p. 9.
20 - Notes sur les Œuvres d’Utilité Générale que M. Ad. Deganne a créées à Arcachon, op. cit., p. 23.
21 - Adalbert Deganne, Réponse à Monsieur Lamarque de Plaisance, op. cit., p. 53-54.
22 - Oscar Dejean, Arcachon et ses environs, E. Dentu, Paris-1858, p. 107.
23 - Ibid. p. 108.
24 - Notes pour M. Adalbert Deganne, ingénieur civil, intimé contre…, Imprimerie G. Gounouilhou, Bordeaux-1863, p. 2.
25 - Qui n’hésitait pas à poursuivre les malheureux qui osaient manquer de respect à son droit de propriété. En 1841, elle reproche à l’un d’avoir coupé des arbousiers sur sa parcelle de Binette, non assujettie aux droits d’usage. En 1843, elle en assigne un autre qui avait emporté un pin abattu par la tempête sur sa parcelle d’Eyrac.
26 - Un psychiatre d’aujourd’hui dirait qu’il présentait tous les symptômes du « paranoïaque procédurier » suivant la classification actuelle.
27 - A. Lamarque de Plaisance, Réponse à la brochure de M. Adalbert Deganne, op. cit., p. 63.
28 - Notice sur le chemin de fer de La Teste à Arcachon par un Arcachonnais, Imprimerie G. Gounouilhou, Bordeaux-1859, p. 14-15.
29 - Peut-être bien aidé de Jean Lacou, un temps rédacteur en chef du Phare d’Arcachon.
30 - A comparer quand même aux 5,5 millions qu’avait coûtés la ligne Bordeaux-La Teste.
31 - Lucien Chanuc, Le chemin de fer du Médoc, Biscaye Frères, Bordeaux-1973, p. 8.
32 - Celle-là même qui avait construit le phare du Cap Ferret en 1836-38.
33 - Henry de La Madelène, Le Médoc et la plage de Soulac, Nouvelle Revue de Paris du 15 août 1864 in Lucien Cha-nuc, Le chemin de fer du Médoc, op. cit., p. 9.
34 - Jacques Ragot, Les municipalités d’Arcachon de 1857 à 1880, in le bulletin n° 81 du 3e trimestre 1994 de la Société Historique et Archéologique d’Arcachon et du Pays de Buch, p. 4.
35 - Notes sur les Œuvres d’Utilité Générale que M. Ad. Deganne a créées à Arcachon, op. cit., p. 32.
36 - Jacques Ragot, Les municipalités d’Arcachon de 1857 à 1880, op. cit., p. 16.
37 - En 1913, un journaliste de L’Avenir d’Arcachon entendra apporter certaines rectifications au sujet du château. Il précisera qu’il n’était pas un modèle réduit mais la copie exacte de celui de Boursault dont les plans avaient été remis à Adalbert Deganne par le Comte de Chevigné. La réduction du château d’Arcachon par rapport à celui de Boursault étant incontestable, la fiabilité de ces rectifications est sujette à caution. Il prétendra également que certaines pièces, côté ville, avaient fini par recevoir quelques meubles et que Deganne, du vivant de son épouse, y avait habité « cer-taines époques de l’année. » Et qu’il y résidait au moment de sa mort et donc que sa dépouille mortuaire n’y avait pas été transportée.
38 - Jacques Ragot, Adalbert Deganne et ses testaments, in le bulletin n° 143 du 1er trimestre 2010 de la Société Histo-rique et Archéologique d’Arcachon et du Pays de Buch, p. 15.
39 - Ibid.
40 - A. Lamarque de Plaisance, Réponse à la brochure de M. Adalbert Deganne, op. cit., p. 48-49.
41 - Adalbert Deganne, Réponse à Monsieur Lamarque de Plaisance, op. cit., p. 52.
42 - « En 1899, il [Lucien Cuénot] perdit son père victime d'une mauvaise chute dans un escalier de cave (Cuénot R, ibid.). Il attendit 1900, le 31 juillet, pour se marier à la mairie du Xe arrondissement de Paris avec Geneviève de Maupassant, née le 24 février 1881 à Paris (Courrier, ibid.). Le père de celle-ci, issu d'une famille aristocratique champenoise (Vertus), avait fait fortune dans les Chemins de fer de l'Est. De cette union, naquirent six enfants : Nelly (1901-1988) qui fût directrice du dispensaire d'hygiène sociale à Baccarat, Lucienne dite Lucette (1902-1988), Alain (1905-1988) chirurgien-accoucheur à Arcachon, Claude (1911-1992) normalien, docteur ès lettres et professeur agrégé de lettres au lycée Henry IV, Marc-Antoine (1914-1962) ingénieur agronome au Maroc et René né en 1917, titulaire d'un D.E.S. en histoire et géographie et bibliothécaire à Nancy (Courrier, ibid. ; Cuénot R, ibid.). Cuénot perdit en 1947 son épouse, femme et mère de famille dévouée qui sut le décharger des soucis domestiques : il semble qu'il garda le regret de n'avoir pas pu partager sa passion scientifique avec elle et qu'elle regretta de ne pas avoir eu l'occasion de sortir souvent car son mari était casanier (Correspondance, Merlet M.M., 22 décembre 1947). Il est probable que sa profession lui apportait suffisamment de relations enrichissantes et de voyages et qu'il trouvait au sein de sa famille le repos com-pensateur. Il reconnut aussi ne pas avoir suffisamment développé l'art d'être grand-père. Son fils ajoute que son père ne se soucia jamais de l'éducation de ses enfants, il semblait régner un certain laxisme, entre une mère très maternelle et un père souvent absent (Cuénot R., ibid. ; Correspondance, Merlet M.M., 22 décembre 1947).
Fernand de Maupassant possédait une propriété à Arcachon. En fait, il dirigea la construction de la voie ferrée qui reliait Bordeaux à Arcachon (sic). C'est ainsi qu'Arcachon devint station balnéaire et Monsieur de Maupassant – qui s'était arrogé le droit de reprendre la particule perdue lors d'une union roturière – fut à l'origine du casino ; s'il fit des affaires immobilières fructueuses à Arcachon (où l'on trouve encore une villa Maupassant, et, à côté, une villa Nelly du nom de la première fille de Cuénot), cela ne l'empêcha pas de perdre sa fortune et de venir s'installer à Nancy avec sa femme (Entretien, Cuénot R., 2001). Arcachon possédait une station de biologie marine, émanation de la faculté des sciences de Bordeaux. Toutes ses longues vacances – la rentrée universitaire avait lieu début novembre – se passèrent en famille à Arcachon jusqu'en 1919 (Courrier, ibid.) : à la vie de famille avec les bals costumés, se succédaient les excursions dans les dunes, la pêche en mer, les travaux de laboratoire et la rédaction de publications sur la faune du bassin d'Arcachon (Album famille, Annotations). Il y rencontrait Georges Bon et Anna Drzewina (dédicace Bohn et Drzewina, La chimie de la vie, 1920 ; photos Album famille). Plus tard, ce sera Houlgate (Calvados) ou Saint-Gildas (Morbihan) près de la famille Merlet (ibid.). »
Annette Chomard-Lexa, Lucien Cuénot L’intuition naturaliste, L’Harmattan, Paris-2004, p. 25-26.
43 - Il avait épousé, le 16 avril 1842, à Cadarsac, Marie Ravard, née en 1815. Celle-ci est morte, le 19 juin 1883, à Tarbes.