La grande pêche

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Les Maures et la Baleine

Le chaalutier La Baleine

Le chalutier La Baleine des Pêcheries du Golfe de Gascogne
(Cliquez sur la photo pour l'agrandir)

Voici l'extraordinaire histoire de 19 jeunes marins prisonniers des Maures pendant 27 jours après l'échouage de leur chalutier au large du cap Juby, au sud du Maroc.
Les sources varient considérablement dans la relation de cette histoire. On y voit un Lord britannique y jouer un rôle puis disqualifié, le maire d'Arcachon sur le devant de la scène, puis renvoyé à ses turpitudes supposées. Un journal se pose même la question de savoir si ces jeunes hommes ont bien été prisonniers, et n'ont pas plutôt été accueillis avec bonhomie et attention par un caïd marocain, avant de publier une lettre -qui ne sent pas du tout le service commandé...- d'un mousse à ses parents, sans que l'on sache très bien quand il a écrit cette lettre et comment il l'a envoyé... On appréciera le "poignard tordu" dont parle le jeune homme, qui fait ainsi très couleur locale.

L'histoire en devient très divertissante et en dit très long sur les moeurs de l'époque.

CDVAu moment où ce chalutier va franchir les passes du bassin d'Arcachon en 1908, le maire de la ville est James Veyrier Montagnères, qui bénéficie depuis sa première élection et qui bénéficiera jusqu'à la fin de son dernier mandat en 1922 des chroniques toujours louangeuses de F. Canton, chevalier de la Légion d'Honneur et officier de l'instruction publique. Cette chronique du règne de James sera publiée en 1930 à Bordeaux par l'imprimerie de Marcel Gounouilhou, alors maire d'Arcachon.

M. Canton n'est pas homme à imiter Chrétien de Troyes, et sa chronique sobrement intitulée "Pages d'Histoire locale de 1896 à 1925", est le compte rendu sec et toujours très louangeur de l'activité quotidienne du bon James, de sa participation à une fête nautique au paiement sur ses deniers personnels des salaires des équipages des chalutiers des Pêcheries du Golfe de Gascogne en faillite en janvier 1911.

Le chalutier part donc le 9 février 1908 pour aller poser ses filets au large de l'Afrique. Le bateau est quasiment neuf, sorti des Ateliers et Chantiers de France de Dunkerque en 1907 et inscrit au Quartier d'Arcachon sous le matricule ARC-50 le 23 mai 1907. Il mesure 48,50 mètres de long, 8 de large, son tonnage est de 418 tonneaux et son moteur développe 680 chevaux. Il a embarqué 260 tonnes de charbon et des vivres pour plus d'un mois. Son équipage est jeune, 27 ans en moyenne. (source : Les Cahiers du Bassin n° 30, mai 2008, "Les aventures de La Baleine, par Noël Gruet).

Je laisse maintenant la parole à F. Canton, pour qui le bon James Veyrier Montagnères n'a pas délivré les marins avec ses mains nues mais c'est tout comme :

Canton

Gravure
Gravure publiée dans le Petit Parisien (cliquez pour agrandir)

Vous conviendrez avec moi qu'il est juste de créditer M. James Veyrier Montagnères du sauvetage de ces marins tombés au main des Maures.

La note suivante de F. Canton montre d'ailleurs la reconnaissance... des électeurs d'Arcachon:

Elections

Gageons que le bulletin blanc est celui de M. Veyrier Montagères lui-même, par souci de ... pudeur.

Mais la vraie question que je me pose est celle ci. JVM n'aurait-il pas manigancer lui-même avec les Marocains l'extravagante aventure des marins de la Baleine, afin de s'assurer une réélection confortable ?

La version de M. Canton n'est évidemment pas celle de "L'Avenir d'Arcachon", dont le rédacteur en chef, M. de Gabory, poursuit M. Veyrier Montagnères de sa vindicte depuis des années.

L'avenir d'Arcachon

Première dépêche dans L'Avenir d'Arcachon : pas un mot de l'intervention de James Veyrier Montagnères

Capture

On a donc là un lord anglais, des marins prisonniers, une canonnière, mais pas de James. Le 29 mars L'avenir informe ses lecteurs de la libération des marins:

Libération

Nos vaillants marins arrivent à Arcachon où un vin d'honneur leur est offert à la mairie par ... quelqu'un :

Arcachon

Trois ans après, les "enquêteurs" de l'Avenir d'Arcachon nous livrent enfin le fin mot de l'histoire. Une brève du 29 janvier 1911 nous apprend ceci:

Camproger

La vérité est bien fragile..

.

Elle l'est encore plus pour les journalistes du Petit Parisien, qui se vante d'être "le plus fort tirage des journaux du mode entier".

Bandeau

Les journalistes de ce fameux journal ont un double problème :

- celui du Lord anglais d'abord : il est difficile d'attribuer à un représentant de l'ennemi héréditaire un quelconque rôle dans la libération des marins;

- la réalité de la capture des marins

Le 29 mars 1908, le Petit Parisien publie cet article, affirmant que ces marins étaient en fait en vacances au frais d'un caïd marocain et que le lord anglais est du roman...:

Pas prisonniers

Seulement voila : le mousse du bateau a écrit sur sa page Face..., hum dans une lettre à ses parents que les marins étaient bien prisonniers. Alors le 5 avril 1908, le journal publie ce rectificatif :

Prisonniers

En fait, la seule chose certaine dans cette histoire est que 19 hommes jeunes ont été éloignés de leurs familles pendant 27 jours pas loin du Cap Juby. Le reste c'est à votre bon coeur.

11/02/14

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