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Les idées folles des années (pas encore) folles

La carte de l'autoroute des Dunes en couleur
En rouge le long de l'océan, "l'autoroute des dunes" (Collection Richard Lahaye)
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L'autoroute dunaireArcachon a beaucoup souffert des idées folles de personnages se croyant investis de la mission de faire de ce paradis qui un port de guerre, qui un port de commerce, de mater les passes si dangereuses, de faire de cette lagune un lac landais...

Heureusement il est des idées qui n'ont jamais vu le jour, comme cette "autoroute dunaire", imaginé par un "poète journaliste", Maurice Martin, inventeur de l'appellation non-contrôlée, la "Côte d'Argent", pour faire pièce, croyait-il, à la Côte d'Azur...

Ce personnage qui ne doutait de rien avait donc imaginé de construire une route sur la sommet des dunes, en bordure de l'océan, reliant Arcachon à Biarritz, détruisant d'un seul coup 200 km de côte sauvage. Il va même en dessiner le plan que vous voyez sur la gauche de cette page.

Et pour "valider" son "intuition" il va monter deux expéditions en mars et en octobre 1905, deux caravanes, équipées comme des "corps expéditionnaires" pour reconnaitre le tracé de la route et traverser les contrées sauvages qui séparent les deux statons balanéaires. En Mars 1905, ce sont pas moins de onze "charrettes muletières, des bros", "faites spécialement pour voyager dans les sables", conduites par "des conducteurs au type accentué", qui vont accompagner les 17 hommes qui feront le parcours complet et les 15 qui ne le feront que partriellement

Il ne manquera pas de thuriféraires, dont "les" écrivains belges J. H. Rosny, pseudonyme des deux frères, Joseph Henri Honoré et Séraphin Justin François Boex, dont la préface au livre de Maurice Martin "La Côte d'Argent" est un petit chef d'oeuvre de morgue et de mépris pour "le vieux Landais".

PREFACE

L’idée d'une route pour automobiles parut d'abord majestueuse comme les légendaires entreprises américaines; on l'accueillit avec l'enthousiasme que personne ne ménage aux grandes chimères, à la condition qu’elles ne fassent que passer dans la cervelle, avec les paillettes des féeries. Quand on s'aperçut qu'il s'agissait vraiment de construire celle route ailleurs que dans l'imagination, l’enthousiasme baissa et les critiques naquirent. Elles ne purent durer. L'idée est heureuse; elle devait s'imposer. Il s'agit d'un peu plus que de tracer une route, il s'agit de créer le modèle des routes de l’avenir. Nos rapides moyens de transport exigent impérieusement de nouveaux chemins. Le piéton, la voiture ordinaire, l'automobile, la bicyclette, sont des éléments contradictoires qu'il faut séparer. On y viendrait mais qu'on choisisse pour faire l'expérience un département proche de Paris, la difficulté paraîtra centuple. Il reste à la France un Far-West qui est le Sud-ouest. Maurice Martin va vous le montrer tout à l'heure. C'est une contrée vierge, presque une forêt vierge, La route projetée n'y sera qu'un fil, un mince petit fil perdu dans le pignada, ayant Arcachon à un bout, Biarritz à l'autre. On y fera de la vitesse tant qu’on voudra; de l'étape aussi, de la charmante, vivifiante étape, voire du camping. On dit que la route profanera des solitudes, et que le bruit des teuf-teuf empêchera les cigales de chanter. Mais rien n'est dangereux pour les solitudes comme un respect excessif. L'infiltration lente, préconisée par quelques-uns, n'apporte dans un pays que les mauvais côtés de la civilisation sans apporter les bons. Nous en avons l'exemple sous les yeux. Au contact d'une petite bourgeoisie aisée, mais nécessairement économe, le peuple perd sa vieille patience de pêcheur ou de cultivateur, et ne peut la remplacer par une activité rémunératrice. Il se démoralise et s'appauvrit. Mieux lui vaudrait, en même temps que le désir d'une vie nouvelle, le nerf de cette vie, l'argent, et, même, dans une limite honnête, le plaisir : sport, théâtre, etc. Sinon, c'est la triste dépopulation des campagnes, les gars solides, les filles vigoureuses attirés vers la ville, vers l'étiolement, la tuberculose, la crapule et la prostitution. Je sais bien qu'à nous, urbains désabusés, ces fameux plaisirs figurent de pauvres choses, mais, si peu qu'ils soient, ils semblent merveilleux aux yeux des naïfs, et la meilleure manière de combattre leur dangereux attrait, c'est d'en permettre la dégustation sur place. Quelques belles stations de luxe, sur un littoral magnifique, rendront, à ce point de vue, de grands services, et ces stations seront la conséquence inévitable d'une route automobile. Ouvrez-la donc, large, belle; que le Pactole y coule, et que le vieux Landais voie ce nouveau prodige sur une terre fertile en miracles.

Maurice Martin s'est attelé à ce projet. Il a débuté par un coup de maître, en découvrant, au bord de la mer, où les fées atlantides l'avaient abandonné jadis, le nom de la contrée prestigieuse : La Côte d’Argent (…)

Rosny

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Vous avez bien lu : ou bien l'autoroute sur 200 km au sommet des dunes, ou bien la tuberculose et la prostitution !

Dans son livre "La Côte d'Argent", publié en février 1906, Maurice Martin décrit précisément son projet, osant l'improbable insolence de dédier son projet fou aux "mânes des anciens pâtres landais" dont il se propose tout simplement de détruire définitivement la vie:

La fameuse voie moderne commencera exactement à l'endroit où le sable lui-même a commencé il y a quelques instants, au point terminus de la route. macadamisée de Bordeaux-Arcachon-Moulleau. Le projet v comporte un immense parc d'accès, et la voie spéciale y formera une grande boucle. Il y en aura une également à l'autre extrémité, sur les bords de l'Adour, en aval de Bayonne, pour permettre, dans certains cas, un circuit sans fin, avec deux voies de chacune probablement six mètres, l'une montante, l'autre descendante, et, sur un des côtés, en dedans des clôtures, mais séparée pourtant de la voie des automobiles, une troisième petite voie de 1,50 à 2 mètres, à péage comme les deux autres, réservée aux cycles et motocycles. MM. Vigneau et Bacon nous expliquent que presque constamment le boulevard, suivra la côte à environ 400 ou 500 mètres du rivage, derrière la grande dune. Il sera ainsi protégé par elle contre les fortes intempéries, en pleine forêt domaniale, son tracé passant le plus souvent vers la limite des deux zones forestières dites « de protection» et «de végétation ».

Martin

Hereusement cette expédition de pieds nickelés avaient embarqué des photographes, d'excellents phoytographes : Branger (Photo-Presse), de Paris, Simons de Paris, Jean Clair Guyot de Paris, Panajou frères de Bordeaux et Franck Terpereau de Bordeaux. Voici leurs oeuvres (une précision : l'ordre dans lequel ces photos vous sont proposées est celui dans lequel elles ont été collées dans un joli petit album, qui n'a pas grand chose à voir avec une progression vers le sud d'Arcachon vers Biarritz.):

Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expéditionAlbum d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition Album d'une expédition
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Collection particulière Richard Lahaye

Maurice Martin n'est pas seulement cet énergumène un peu fou qui a voulu transformer les Landes en piège à touristes, lui qui a eu, en conclusion de son livre "La Côte d'Argent", ces phrases, montrant un réel amour d'un paysage parfois si austère :

J'ai parcouru toute la France, je vous l'ai déjà dit. Je me suis extasié devant les splendeurs de l'Isère (que je suis toujours tenté de classer en tête de nos département non maritimes pour l'ensemble et pour l'harmonie de ses sites, J’ai vu les grandes Alpes et leur sublimes envolées; Annecy, la perle des lacs de montagne; j'ai vu la troublante Armorique, la verdoyante Normandie, le coin mignard des Ardennes, les somptueux vallonnements des Vosges, le petit jardin montagneux du Morvan, le Limousin tout tapissé de châtaigneraie et de mousses, la délicieuse vallée du Doubs, la Loire et son royal cortège de châteaux passant sur des paysages de pastel, le Massif Central prodigieux de beautés hier encore insoupçonnées et que Dante eut aimé chanter; j'ai vu la fameuse Cote d'Azur et ses superbes phrases décoratives dans l'orgie des rutilances et des richesses; j'ai vu les petite coins charmeurs des plages de l'embouchure de la Loire el le chapelet des îles de ce littoral; la vallée du Rhône tout ensoleillée, où le grand vont et le grand poète portent le même nom ; j'ai vu en Dordogne qui, en tant que rivière, est, je crois bien, la plus belle de la France entière pour l'ensemble de son cours, et, comme département, assurément le plus beau de tous ceux qui n'appartiennent ni à la montagne ni à la mer; j'ai vu. la si jolie vallée de la Seine, en aval de Paris; la Garonne qui, par ses tributaires d'un pittoresque achevé tels que le Lot, le Tarn et l'Aveyron, est le plus fertile de tous nos grands fleuves en moissons de beautés; j'ai vu la riche Limagne; j'ai vu les plus belles pages isolées de l'œuvre écrite en collaboration par l'homme et par la nature : Rocamadour, Uzerche, Cordes, Bozouls et d'autres encore; j'ai vu enfin les petits coins de Franco les moins visités d'ordinaire, tels que le Sidobre, où cette nature adorée a caché quelques-unes de ses plus étranges fantaisies.

A l'étranger, j'ai visité tous nos pays voisins : l'Angleterre, la Hollande, la Belgique, la sémillante Espagne, la magnifique Foret-Noire, tous les lacs suisse el ceux de l'Italie du nord, aux visions si enivrantes qu'on a l'illusion d'y sentir son cerveau plongé dans un bain de fleur d'oranger.

J'ai vu toutes ces merveilles; mais pour dresser ma tente, je choisirais les Landes.

Je les choisirais avec lu conviction profonde que si je faisais ce choix, ce serait en m'affranchissant de l'attirance vulgaire du pays natal ou de ses alentours.
Je choisirais les Landes, peut-être pas pour demeurer toute une année sous cette même tente, mais parce que je ne sais aucun autre pays parmi tous ceux que j'ai parcourus où je pourrais plus librement voyager non loin de mon dernier foyer avec, à ma porte, autant de variété et de joie dans la triple contemplation de la plaine, de la mer et des monts. Région complète, parce que le penseur y retrouve partout l'océan sur les cimes ondulées de l'immense forêt, sur la crête écumante des vagues ou sur les proches sommets pyrénéens figés dans l'éternité des marbres. Région heureuse, parce qu'elle a pour elle une saine richesse qui n'est pas faite de clinquant et parce que le philosophe et l'artiste peuvent trouver dans ce triptyque de quoi faire vibrer toute leur âme selon le cycle des saisons : en été, la montagne et la mer; en hiver, la mer encore; au printemps et à l'automne, la plaine, mais la plaine parée de tous les mystères du renouveau ou du déclin, en la poésie des étangs cachés par la pignada sauvage...

Maurice Martin , 1906

8/01/14
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