Si la science commence à entrevoir les lois qui président aux mouvements de l'Océan, c'est que des navigateurs ont sillonné la surface de ses eaux, dans leur étendue tout entière ; c'est que des observateurs ont jeté la sonde dans leurs abîmes, ont mesuré leur température à différentes profondeurs.
Si nous voulons connaître l'atmosphère qui enveloppe notre globe, qui règle le cours des saisons, qui entretient la vie, il faut procéder de la même façon; il faut la parcourir sur de vastes étendues, la sonder de bas en haut, depuis la surface de la terre jusqu'à ses plus hautes régions. De là, la nécessité de deux modes d'exploration par les aérostats : ascensions de longue durée, ascensions à grande hauteur. C'est ce qui a été compris et proposé dans le courant de l'année 1874 par un groupe de savants éminents.
Depuis le siège de Paris, les aérostats, autrefois délaissés,
ont particulièrement attiré les regards. Une société savante,
la Société française de navigation aérienne,
a été fondée. Présidée en 1874, par
un des plus illustres membres de l'Institut, M. Janssen, qui, par ses grands
travaux et sa mâle énergie, s'est assuré déjà la
reconnaissance de la postérité ; présidée en
1875 par un autre membre de l'Académie des sciences, M. Hervé-Mangon,
dont le rare dévouement à la science est connu de tous, dont
le rôle si actif dans l'organisation de la poste aérienne,
pendant la guerre, ne sera pas oublié, la Société de
navigation aérienne a vite attiré dans son sein la plupart
de ceux qui se préoccupent de l'aéronautique et de l'étude
de l'atmosphère.
En 1874, c'est sous ses auspices que Crocé-Spinelli et Sivel ont
exécuté ce magnifique voyage en hauteur, dont tout le monde
connaît les beaux résultats. Sans répéter ici
ce que nous avons dit dans la première partie de cet ouvrage, nous
rappellerons que grâce aux remarquables travaux physiologiques de
M. Paul Bert, et à l'inhalation de l'oxygène, les intrépides
et savants voyageurs ont pu atteindre l'altitude de 7,300 mètres,
et rapporter de leur expédition le fruit d'observations nombreuses
et fécondes.
En 1875, la Société de navigation aérienne a étudié un nouveau programme d'ascensions scientifiques : il a été décidé que deux voyages seraient successivement exécutés à l'aide du ballon le Zénith cubant 3.000 mètres, et construit par Sivel : l'une de longue durée, l'autre de grande hauteur.
Grâce au concours de l'Académie des sciences, de l'Association scientifique de France, de l'Association française pour l'avancement des sciences, grâce à l'appui de MM. Dumas, Hervé-Mangon, Henri Giffard, docteur Paul Bert, Dupuy de Lôme, de MM. Hureau de Villeneuve, secrétaire général de la Société, d'Eichthal, docteur Marey, Houel, Lavalley, F.-R. Duval, Dailly, Chabrier, etc., les conditions nécessaires à l'exécution de l'entreprise ont été rapidement assurées.
Le premier voyage du ballon le Zénith a répondu aux espérances de la Société de navigation aérienne; il a eu lieu pendant 22 h. 40 m., dépassant ainsi de beaucoup, la durée des plus longues ascensions accomplies jusqu'à ce jour; il a permis aux membres de l'expédition d'entreprendre, sans interruption, une série d'observations, et d'exécuter de nombreuses expériences.
Le départ a eu lieu le 23 mars, à l'usine à gaz
de La Villette, où la Compagnie parisienne a fourni
le gaz de l'éclairage nécessaire au gonflement.
A 6 h. 20 m. du soir, le ballon s'élève majestueusement
dans l'espace, emportant dans sa nacelle les aéronautes
désignés par la Société de
navigation aérienne: Sivel, Crocé-Spinelli,
Albert Tissandier, Jobert et moi, 1,100
kilogrammes de lest formé de sable fin, des instruments
et des appareils de physique et de chimie.
Nous nous élevons dans l'atmosphère, traversant Paris, où des
milliers de lumières scintillent comme les constellations d'un ciel étoilé,
nous passons lentement au-dessus du jardin des Tuileries, au-dessus du
dôme des Invalides, et bientôt le spectacle de la grande métropole
disparaît à l'horizon, pour céder la place au tableau
non moins majestueux de la campagne. Le soleil jette ses derniers feux
sur les brumes lointaines, amassées en grandes nappes de vapeurs,
l'obscurité se fait, et nos lampes de Davy nous éclairent
seules au milieu de la nuit. Après avoir mis en ordre la nacelle,
rangé méthodiquement les sacs de lest, nous commençons à procéder à nos
expériences.
Sivel, à qui nous avons dû, par son énergie, par son amour de la science, par son infatigable persévérance, le succès de l'ascension, s'occupe de déterminer la direction de notre route, au moyen de la boussole et d'une cordelette longue de 800 mètres, qui, traînant à terre, se dirige toujours à l'arrière de la nacelle. Crocé-Spinelli commence ses observations spectroscopiques, à l'aide de deux beaux appareils de modèle différent, qu'il devait à M. Duboscq. Jobert lance par-dessus bord les imprimés, destinés à être recueillis à terre par les habitants, et à être renvoyés par eux à Paris, avec les indications de la pression barométrique,de la température, de l'état du ciel, sur tous les points au-dessus desquels a passé le Zénith. Albert Tissandier dessine, d'après nature, les paysages aériens, il reproduit notamment le curieux spectacle de la déformation de la lune qui vient de paraître au-dessus des nuages dont la surface supérieure est unie comme celle d'un lac. Quant à moi, je fais passer successivement 100 litres d'air, à l'aide d'un aspirateur à retournement, dans des tubes à pierre ponce imbibée de potasse, où l'acide carbonique absorbé, sera dégagé plus tard dans le laboratoire et dosé à l'état gazeux, par une nouvelle méthode que nous avons étudiée, M. Hervé-Mangon et moi.
Il faut, en outre, noter constamment la pression barométrique, dont une lampe des mines éclaire le cadran, inscrire la température qui, pendant la durée de la nuit, atteint le minimum de 4 degrés et demi au-dessous de zéro, prendre les degrés des deux thermomètres à boule sèche et à boule mouillée du psychromètre dont l'eau malheureusement ne va pas tarder à geler, mais que l'hygromètre à point de rosée, de Regnault, remplacera avec avantage; il faut descendre de la nacelle un long fil de cuivre de 200 mètres, et y approcher fréquemment un électroscope à feuille d'or, pour relever l'état électrique de l'air; il faut enfin considérer ce spectacle infini du ciel resplendissant, où l'étoile filante trace parfois sa courbe lumineuse, de la terre que les rayons argentés de la lune éclairent d'une pâle lueur, et qui, par une illusion de la vision, se creuse sous la nacelle, en prenant l'apparence d'une immense lentille concave. Que de fois ne nous a-t-on pas dit, au retour de notre voyage, que la nuit devait être longue et le froid mordant! Jamais, au contraire, le temps ne s'est écoulé plus vite pour chacun de nous ; jamais les heures n'ont été mieux remplies. Le ballon, grâce à l'habileté de Sivel, se maintient sur une ligne horizontale, de 700 mètres à 1,100 mètres d'altitude, et déjà nous sommes persuadés que notre séjour dans l'atmosphère sera prolongé.
Au moyen d'un appareil imaginé par un des membres les plus actifs de la Société de navigation aérienne, M. A. Penaud, et que Crocé-Spinelli et Jobert font fonctionner, nous pouvons constamment déterminer du haut des airs, la vitesse de notre marche. Cet instrument est formé d'un limbe gradué au centre duquel se meut une alidade mobile autour d'un axe. Un observateur vise, sous un angle de 30 degrés, un objet visible sur terre, dans le sens de la marche du ballon; quand cet objet a passé sur la ligne de l'alidade, il remonte celle-ci à 60°, puis il attend que le même objet ait été exactement relevé une seconde fois. Un autre observateur a noté le temps écoulé entre les deux lectures ; à l'aide des deux angles, et connaissant en outre l'altitude, une simple formule trigonométrique permet de déduire la vitesse de l'aérostat. Celte expérience, exécutée à plusieurs reprises, a donné des chiffres très précis, comme on a pu le vérifier après l'expédition.
Nous parlerons tout à l'heure des résultats généraux de notre ascension ; continuons actuellement notre voyage qui s'exécute toujours par un vent N.-N.-E., dans la direction de la Rochelle et de l'Océan.
A 4 h. 30 du malin, un spectacle grandiose va se présenter à nos yeux. La lune qui n'a pas cessé de briller dans l'azur du ciel, s'entoure d'un halo resplendissant, d'un cercle de feu, dû à la réfraction de la lumière à travers les paillettes de glace suspendues dans l'atmosphère ; ce cercle est blanc comme de l'argent, il se découpe sur un fond obscur, et grandit à vue d'oeil, en prenant bientôt l'aspect d'une ellipse. Peu à peu, une croix de lumière étend ses quatre branches autour de la lune et complète ce tableau étrange, plein de majesté, qu'ont admiré parfois les explorateurs des régions polaires.
L'atmosphère offrait à ce moment un aspect particulier; au-dessus de la terre une buée semi-transparente d'environ 500 mètres d'épaisseur avait diminué d'opacité au moment du lever de la lune, ce qui avait déterminé une ascension de l'aérostat. Elle allait se dissiper complètement deux heures après le lever du soleil. Quelques cirrus suspendus dans les hautes régions de l'air étaient très visibles pendant la durée du halo et restèrent dans l'atmosphère, avec plus de persistance que la buée inférieure jusqu'à 1l h. 1/2. En s'abaissant à l'horizon, ces cirrus prirent l'aspect d'une longue chaîne montagneuse couverte de pics glacés. Pendant quelques minutes même, l'illusion fut si complète, que nous crûmes voir apparaître au loin le massif pyrénéen. Ajoutons enfin que d'autres cirrus très élèves se montrèrent encore dans le ciel vers trois heures de l'après-midi.
Le halo et la croix lumineuse, qui ont graduellement apparu, disparaissent de même, lentement et progressivement; la lueur se dissipe avec l'apparition du soleil, qui se montre bientôt au-dessus des nuées lointaines. La terre s'éclaire, et l'Océan ouvre au loin l'immensité de ses eaux. Nous sommes, en effet, en vue de la Rochelle, et à ce moment Sivel observe avec attention la direction du Zénith. Par bonheur le vent s'est relevé vers le nord et lance l'aérostat vers le sud. Nous allons pouvoir côtoyer la mer pendant de longues heures, nous en rapprocher et ne jamais la perdre de vue.
Aussitôt que le soleil a dépassé la ligne de l'horizon, l'atmosphère toujours sèche à la hauteur de 1,850 mètres où nous planons, se charge subitement d'électricité. Les feuilles d'or de l'électroscope approché de notre fil de cuivre se dévient en effet do Om,06. La quantité d'électricité décroît successivement, pour devenir très faible, jusqu'au moment où nous passerons au-dessus de la Gironde, qui réfléchit les rayons solaires avec intensité, et produit une élévation de température considérable.
Cette traversée du grand fleuve, exécutée à 10 heures du matin, en vue de la Tour de Cordouan, est certainement un des moments les plus émouvants de notre voyage. Le Zénith s'engage sur la Gironde à l'endroit de sa plus grande largeur, il y passe majestueusement et n'atteint l'autre rivage que 35 minutes après. Pendant que nous planons au milieu du fleuve, des bateaux à voile en sillonnent la surface ; deux navires à vapeur en descendent le cours; ils passent juste au-dessous de notre nacelle, et à ce moment ils font hisser trois fois leurs pavillons tricolores. Nous répondons à ce salut sympathique en agitant nos mouchoirs. Ce fleuve vu en plan, ces navires lilliputiens, ce phare de Cordouan, réduit à la proportion d'une épingle brillant sur un fond brumeux, cettee onde jaunâtre que rident les vagues, se colorent par les tons chauds d'un beau soleil et forment un de ces tableaux délicieux, qui laissent dans l'esprit les impressions les plus durables.
Pendant cette partie du voyage, nous avons opéré le lancement successif des quatre pigeons voyageurs que nous avait confiés M. Cassier, un des colombophiles du siège de Paris. Le premier pigeon a quitté la nacelle à 9 heures du matin, les trois autres ont été lâchés avant et après la traversée de la Gironde. Le dernier pigeon ne s'est pas élancé immédiatement dans l'espace ; il est resté juché sur le bord de la nacelle, en proie à une hésitation très apparente. Les quatre oiseaux messagers se sont rapprochés de terre en décrivant de grands circuits dans l'atmosphère, mais aucun d'eux n'est revenu au colombier. Il est à présumer qu'ils auront été désorientés par l'influence d'une longue nuit passée dans les airs, et qu'en outre, la distance qui les séparait de Paris, était déjà trop considérable pour qu'ils aient pu retrouver leur chemin.
Après avoir traversé la Gironde, le vent qui nous entraîne, nous dirige vers l'étang de Carcans, que nous apercevons bientôt, et vers l'Océan, qui n'en est séparé que par une mince langue de terre. Heureusement que quelques feux, allumés à la surface du sol, au milieu des plaines marécageuses qui ouvrent les Landes, laissent échapper une fumée épaisse qui se dirige dans la direction du S.-E. Cette observation nous indique nettement qu'il règne à la surface du sol un courant aérien du N.-O., dont nous pourrons profiter pour nous éloigner de la mer.
Cependant le soleil est devenu très ardent : le
Zénith se gonfle avec rapidité, le gaz se
dilate et s'échappe par l'appendice en descendant à flot
jusque dans la nacelle.
Nous montons rapidement jusqu'à l'altitude de 1,200 mètres,
niveau qu'il y aurait imprudence de dépasser dans un si proche voisinage
de la mer. Sivel donne un coup de soupape, et l'aérostat cesse bientôt
de s'élever; mais l'action du soleil produit une dilatation du gaz
si considérable que le Zénith, à peine descendu de
200 mètres, remonte encore, et c'est par cinq ou six fois qu'il
faut ouvrir la soupape béante, pour le faire revevenir à 6O
mètres au-dessus de la terre, où il est entraîné par
le courant inférieur.
Ce courant inférieur était très humide, tandis que le courant supérieur était d'une sécheresse presque absolue, comme nous l'avons constaté, Crocé-Spinelli et moi, à l'aide de l'hygromètre à point de rosée et du spectroscope.
Le passage de l'aérostat de la couche d'air supérieure à l'autre courant fut signalé par des mouvements de rotation renouvelés et énergiques. On ressent une impression particulière quand on se trouve à la limite de séparation de deux vents ainsi superposés ; l'air est agile, le ballon frissonne et tourbillonne, son étoffe tremble, tandis qu'il est parfaitement immobile quand il est bien équilibré dans l'atmosphère. Il y a là, entre les deux courants, des remous, des vagues aériennes que l'on ne voit pas, mais dont l'aérostat subit l'influence; il y a des mouvements analogues à ceux qui existeraient à la surface inférieure d'une couche d'huile glissant sur une nappe d'eau, douée elle-même d'un mouvement rapide. Le courant inférieur va peu à peu diminuer d'épaisseur jusqu'à la fin du jour, où il n'aura plus qu'une hauteur de 130 mètres environ, mais en même temps il gagnera de vitesse. Le courant supérieur, au contraire, va régner uniformément ; c'est toujours le N.-N.-E., bien établi dans l'atmosphère, c'est le courant dominant, général, que les observateurs terrestres ne voient pas cependant, plongés qu'ils sont dans le courant N.-O. inférieur, vent superficiel et probablement tout accidentel.
Pendant six heures consécutives, le Zénith
a trouvé de précieuses ressources dans l'emploi
de ces deux courants superposés; huit fois successivement,
il est monté dans le courant supérieur, qui
le dirigeait vers la mer, pour redescendre alternativement
un même nombre de fois dans le courant inférieur,
qui le rejetait sur la terre ferme. La route dans la verticale
est singulièrement tortueuse, comme l'indique le
diagramme de l'ascension ; sa marche en projection horizontale
forme une série de zigzags, qui le rapprochent peu à peu
d'Arcachon, près du bassin duquel il arrive à la
fin du jour, après avoir tiré des bordées
comme un navire à voile.
Après ce long voyage au-dessus des maigres sapins des Landes, que
découpent des flaques d'eau abondantes, après un séjour
de six heures dans un air brûlant où le soleil nous lance
des rayons ardents, le Zénith touche terre à Montplaisir,
commune de Lanton (Gironde), dans le voisinage d'Arcachon. La brise est
forte et la nacelle est emportée avec rapidité: mais l'ancre
jetée par Sivel mord immédiatement, sans secousse, grâce à un
système d'arrêt très ingénieux, formé de
frotteurs qui font glisser l'ancre avec des résistances toujours
croissantes, le long du câble où elle est attachée à l'aide
d'une boucle. Nous nous pendons à la corde de la soupape et le Zénith
est bientôt maîtrisé.
Nous avons déjà mis pied à terre, lorsque quelques bergers des Landes accourent montés sur des échasses, en faisant entendre des cris de joie et d'étonnement: ils nous prêtent de très bonne grâce l'utile concours de leurs bras vigoureux.
Une ascension de longue durée, comme celle que nous venons de raconter, exactement retracée à l'aide d'un diagramme, dont les éléments ont été recueillis sans interruption, ne manque pas de fournir des faits généraux offrant un intérêt réel au point de vue de la physique du globe. Grâce aux imprimés lancés de la nacelle, et retournés à Paris au nombre de soixante, de tous les points de notre route, notre diagramme indique les températures du sol en même temps que les températures de l'air supérieur. On voit que la température de l'air était plus élevée dans tout le parcours que la température du sol. Le diagramme montre encore que le ballon, quand il était maintenu sur l'horizontale, suivait les proéminences du sol et s'élevait de lui-même, poussé par un vent ascendant quand il passait au-dessus d'une colline. Ce fait est surtout rendu manifeste par le passage du ballon à 600 mètres au-dessus d'un monticule situé dans la Touraine, et dominant de 268 mètres le niveau de la mer. Le tracé graphique, de l'ascension met en évidence la ligne courbe suivie par un courant aérien, pendant un long parcours; le ballon s'est, en effet, fréquemment éloigné d'une direction en ligne directe; ce tracé montre enfin les variations très appréciables de la vitesse du vent, qui fait environ 5 mètres à la seconde pendant la nuit, 10 mètres au lever du jour, et qui diminue de vitesse dans les hautes régions, contrairement à ce qui a lieu le plus habituellement. La vitesse du courant N.-N.-E. dans les landes de la Gironde ne dépassait pas la vitesse de 3 mètres à la seconde, tandis que le vent inférieur, dont la vitesse s'est accrue jusqu'au moment de l'atterrissage, était d'abord de 7 mètres à la seconde, pour atteindre ensuite près de 12 mètres. (Les chiffres de l'échelle des hauteurs indiquent, sur le diagramme, les mètres; ceux de la ligne horizontale de terre donnent les kilomètres).
Nous ne nous engagerons pas plus longuement dans le résumé de ces observations multiples; il faudrait entrer dans des détails trop minutieux pour parler des effets de nuages, des déformations du soleil et de la lune par la réfraction, phénomènes dont Albert Tissandier a retracé la succession par le dessin, indispensable complément des études météorologiques. Mais nous devons ajouter quelques mots sur les observations spectroscopiques de Crocé-Spinelli. Quand le soleil et la lune ont été au-dessous de l'horizon, les spectroscopes ont montré des bandes de vapeur d'eau extrêmement accusées. Aussitôt que ces deux astres se sont élevés de quelques degrés seulement sur l'horizon, les bandes sont devenues infiniment plus faibles et ont fini même par être très peu visibles, ce qui démontrait que la quantité de vapeur d'eau dans les régions supérieures de l'air était très faible. Une telle sécheresse est un fait qui mérite d'être signalé. Le psychromètre, avant que l'eau qu'il contenait ne fût gelée, l'hygromètre de Regnault ont, comme nous l'avons vu précédemment, vérifié ces observations.
Nous aurions encore à parler des sondes aériennes imaginées par Sivel, d'un appareil destiné à mesurer l'ombre du ballon que nous avons vu se dessiner sur le sol, sur les rivières, d'un remarquable thermomètre enregistreur de M. Negretti, destiné à prendre des températures a quelques centaines de métros au-dessous de la nacelle, d'un nouvel anémomètre de Crocé-Spinelli et Redier; mais, nous ne voulons pas étendre outre mesure ce chapitre déjà long.
Nous terminons ici le résumé d'une ascension où, pendant 22 heures 40 minutes, il n'a jamais manqué ni d'expériences à exécuter, ni d'observations à entreprendre; car dans l'atmosphère, si peu connue, tout est à considérer, tout est à apprendre.
Nous espérons, disions-nous au retour de notre voyage, que la Société française de navigation aérienne ne s'en tiendra pas à ces premières tentatives; elle saura prouver dans l'avenir qu'elle était digne de prendre pour devise cette belle parole : "Toujours plus loin et toujours plus haut!"
Nous terminons ce chapitre en publiant les deux tableaux ci-dessous des observations faites pendant le voyage.