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Les
bains de mer
Date postale :cachet
de la poste Période
de publication :Dater
une carte
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Elégantes à l'arrivée
des pêcheurs dans la Baie d'Arcachon
Jules-Charles Aviat 1844-
Ce délicieux petit tableau
était en vente chez Christie's à Londres
le 20 mars 2003.
1900 : Cet homme qui a l'air de porter sur ses épaules
toute la misère du monde, sort du bain
; il vient de jouir des bains de mer dans le bassin
d'Arcachon. Mais pour cela il lui a fallu se plier
à tellement de règles et de règlements
qu'il n'est guère étonnant qu'il
s'en retourne tête baissée, rêvant
de la liberté dont jouiront peut-être
un jour ses arrière petits-enfants de se
baigner comme ils l'entendent, peut-être
nus. Il ne risquait pas de rencontrer sur la plage
une femme "déshabillée"
comme ce mannequin présentant un bikini
en 2000.
Le premier obstacle est médical : le bain
de mer fait l'objet d'une surveillance incroyable
en cette deuxième moitié du XIXème
siècle qui en a justement lancé
la mode. Dès 1860, le maire d'Arcachon
avait fait approuver par son conseil municipal
un règlement des bains de mer et nommer
un médecin inspecteur des bains de mer,
dont le premier titulaire fut le docteur Perreyra,
cousin des frères Péreire
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Entre ces deux cartes, il n'y a que quelques années, autant dire des années lumière, en haut les ados sont (presque) dénudés, en bas les jeunes femmes et filles et leur mentor sont tout à fait "convenables" et dans la ligne définie par le docteur Rocca: la décence, ou ce qui était considéré comme tel.
Le docteur Rocca codifia la balnéothérapie
marine dans un livre de 280 pages, exclusivement consacré aux
bains de mer et à leur action sur la santé.
Une règle générale : il ne faut pas se laisser entraîner
et savoir arrêter les bains avant le 30ème pour tout l'été;
la durée des bains ne doit pas excéder 2 à 3 minutes
pour les jeunes et 5 à 10 minutes pour la généralité des
baigneurs; pour se baigner, il faut se coiffer d'un chapeau de paille à larges
bords, à travers duquel l'air et l'eau pénètrent
bien; en sortant de l'eau, s'essuyer de la tête aux pieds en frictionnant jusqu'au
rouge de la peau et prendre ensuite un léger exercice.
Le costume: pour les hommes, une longue chemise ou un pantalon et
une chemisette. Pour les femmes, une longue chemise ou une robe courte et
un pantalon obligatoirement de couleur foncée, le tout sous un chapeau
de paille à larges bords. Défense absolue de s'habiller ou
de se déshabiller en dehors des cabines de bains ou des hôtels
et, dans ce cas, avec des peignoirs.
A ces règles médicales,
les maires d'Arcachon et de La Teste ajoutèrent
leur propre règlement:
Jean Hameau, médecin et maire
de la Teste, signa, le 15 juillet 1847 un arrêté comportant
!es articles 6 et 7 suivants :
"Article 6
Les hommes se baignant dans les près salés ou sur la côte
du Bassin jusqu'à un kilomètre au couchant de l'allée
d'Arcachon seront vêtus d'un pantalon large et ils se tiendront,
autant que possible, éloignés des lieux où seront
les dames.
Ils devront se déshabiller et s'habiller dans les cabanes, qui
sont disposées pour cela sur la plage et si quelque motif nécessitait
qu'ils se déshabillent dans leurs appartements, ils devraient
se couvrir le corps d'une chemise de laine, ou tout autre vêtement,
pour arriver aux dites cabanes.
Les dames pour aller au bain et pour se baigner devront être vêtues
d'un grand peignoir tombant jusqu'aux talons.
Article 7
II est défendu à tout baigneur et autres personnes de l'un
et l'autre sexe de proférer des paroles ou de faire des gestes
indécents dans le bain et sur la plage".
Le 24 juillet 1857, la première
municipalité d'Arcachon n'ayant pas encore deux
mois d'existence, puisque élue le 7 juin, son
maire, Lamarque de Plaisance, prenait l'arrêté suivant
:
"Article Premier
II est défendu de se baigner sans être revêtu, à savoir
: les hommes, d'un costume entier couvrant le corps depuis le cou jusqu'aux
talons, ou d'un large pantalon et d'une chemisette ; les femmes
d'une robe prenant également au cou et descendant jusqu'aux talons,
ou bien d'une robe courte mais avec pantalon.
Les étoffes des costumes de bain, excepté celle de la chemisette,
tolérée pour les hommes, devront être de couleur
foncée...".
Ces règlements font hurler de rire
Jacques Ragot, historien local qui rapporte les distractions
des douaniers de Biscarosse à quelques kilomètres
de là:
Une des rares distractions des douaniers en poste
sur la plage de Biscarosse était de voir arriver
les samedis d'été vers six ou sept heures
du soir, cent à cent cinquante personnes, hommes,
femmes, filles, enfants qui venaient se baigner dans
l'océan, après avoir franchi, avec un petit
paquet à la main, les huit ou neuf kilomètres
de sables qui séparaient le village de la caserne.
Si tôt que les ombres de la nuit permettaient aux femmes et aux jeunes
filles de dévoiler leur nudité - et quelques fois, Dieu me
pardonne, un peu avant - elles se déshabillaient au pied des dunes
et se mettaient à l'eau.
Puis elles venaient reprendre leur vêtements, y compris la chemise
qu'elles avaient quittée, mangeaient un morceau de pain, buvaient
au puits de la caserne et s'étendaient pour passer la nuit dans
le sable mouvant.
Le lendemain, dès l'aube, elles prenaient un second bain et endossaient
ensuite le linge propre qu'elles avaient apporté dans leur petit
paquet.
Vous allez voir sur les cartes postales
que je vous présente que ces réglements n'étaient
pas vraiment sans effet sur l'élégance de
nos aïeux aux bains...
Mais je rigole tout seul en pensant à ce médecin
inspecteur des bains de mer, venant en 2002 accomplir
les devoirs de sa charge sur la plage de la Corniche,
au pied de la dune du Pyla, en allant vers le Petit Nice...
17/02/14
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