Andernos (36 images)
Andernos, soeur d'Arès, est au fond du bassin une réplique d'Arcachon, avec sa ville d'hiver et ses célébrités. Sarah Bernardt viendra s'y réfugier pendant la grande guerre. Voici ce qu'elle en dit dans ses mémoires :
"Entre les pins tordus et les marais salants,
L'océan comme un lac, s'infiltre languissant...
Il réfléchit un ciel fait d'argent et de bleu,
Ou flambe et resplendit sous un soleil de feu
Qui brûle l'horizon en prodiguant son or;
Puis recule à pas lents, et changeant le décor,
Fait d'un désert de flamme un désert de limon.
Dans les sveltes roseaux qui frangent ses contours,
Des troupeaux de bœufs roux enfouis jusqu'au fanon
Avancent pesamment tandis qu'à leur parcours,
Un grand vol de courlis, effaré, tournoyant,
Jette dans le silence un long cri larmoyant.
Ces pins, ce ciel pareil à celui de Lemnos
Et tout ce sable d'or, c'est la baie d'Andernos.
"Ces vers de mon fils, inspirés par les sites adorables du paysage, sont tout à fait évocateurs quand on connaît Andernos et ses ravissantes promenades.
Et cependant, quand il y a vingt ou vingt-cinq ans, je fis en voiture la Côte d'Argent, Andernos ne m'avait pas frappée ; ou, pour mieux dire, ce nom se dressait dans ma pensée comme un très gentil paysage spolié par l'incurie de ses habitants. Je revoyais sa plage couverte d'écailles d'huîtres et de détritus déplaisants. Je me souvenais aussi de Lanton, de Taussat, d'Arès qui était alors le principal village de la région.
"Étant à Arcachon en villégiature, j'avais eu le loisir de visiter toutes ce petites stations balnéaires piquées tout autour du bassin d'Arcachon. Je me rappelais surtout le Cap Ferret qui m'avait frappée par son exposition sauvage et solitaire.
"Quand éclata l'horrible guerre qui décima la jeunesse de l'Orient et de l'Occident, j'étais dans ma propriété de Belle-Ile-en-Mer. Quoique souffrante, je me fis transporter à Paris pour prendre ma part dans le grand mouvement humanitaire; mais le mal dont je souffrais empirant, je dus renoncer à fonder mon ambulance. Le chagrin que j'en eus fut si grand que je devins tout à fait malade. Force me fut de quitter Paris; mais il ne fallait pas songer à Belle-Ile, mes souffrances ne me permettaient plus un voyage aussi accidenté.
"La Faculté voulut m'envoyer à Arcachon. Mais, désirant m'enfermer pour pleurer mon impuissance, Arcachon me semblait un centre trop vivant et trop élégant. C'est alors que je me souvins de la Côte d'Argent. Mais quel pays choisir ?
Tous les noms des petits pays entourant le bassin furent écrits sur des carrés de carton: le tout fut secoué dans une petite corbeille tressée devant moi en mon honneur par les enfants de Tucson, petits indiens de l'Arizona, et je déclarai que je prendrais pour résidence le nom inscrit sur le troisième carton que je tirerais.
Il amena Andernos.
"Je fis la grimace, mais je tins parole. Et combien je m'en félicite !"
(Extrait des souvenirs de Sarah Bernhardt cité par Jean Claude Garnung dans son livre "Je vous écris d'Arcachon" tome 1 (Édition Pimientos).
Une andernossienne passionnée, Marie-Hélène Ricquier, m'a envoyé cette histoire, à propos d'une représentation théâtrale donnée par Sarah Bernhardt à Andernos:
"Dans son livre sur Sarah Bernhardt, "Madame Quand Même" (1929), Guy de Pierrefeux relate avec moult détails une représentation théâtrale donnée dans une baraque de planches à Andernos le 15 août 1915 au profit des oeuvres patriotiques avec la participation de la célèbre tragédienne, alors en convalescence à Andernos après l'amputation de sa jambe :
"Dès le matin, arrivaient des véhicules de toutes sortes amenant de Bordeaux et de la région des milliers de spectateurs. [...] Que dire de l'arrivée de Sarah sur scène ? Elle y parut appuyée sur le bras de M. Louis David (ndlr: maire d'Andernos). Ce fut du délire. Les applaudissements étaient sans fin. [...] La merveilleuse voix, pareille à des ondes harmonieuses se répandit sur ces masses humaines. [...] Ce n'était plus du talent mais de la magie. [...] Ça vous faisait passer des frissons dans le dos. Du premier vers jusqu'au dernier, par cette sorte de magnétisme dont elle connaissait le secret, elle soulevait le public, si bien qu'à l'envolée finale, toute la salle, d'un même élan, comme mue par un ressort, était debout criant, hurlant. Tout le monde avait des larmes d'enthousiasme dans les yeux et le maire d'Andernos bondissant sur la scène, lui embrassait les mains en répétant : "Bravo ! Bravo ! C'est plus que beau ! C'est divin !"
"Cet enthousiasme n'est pas partagé par tout le monde si on en juge par ce texte écrit au dos d'une carte postale:
"Andernos, le 19 août 1915
"Chère Anita,
"J'ai reçu ta carte qui m'a fait bien plaisir.
"En effet je n'avais jamais entendu cette artiste, mais je croyais que c'était encore mieux que ça, car elle n'a plus une jolie voix, elle a la voix toute tremblante, il est vrai qu'à l'âge de 73 ans on ne peut pas avoir le même charme de voix comme à vingt ans. Il y avait beaucoup de monde qui était venu de loin pour la revoir et l'applaudir, ils ont trouvé qu'elle avait bien changé, ils ne pouvaient pas croire que c'était Mme Sarah Bernhardt qu'ils avaient devant les yeux.
"Ta grande amie
"Madeleine"
Pour terminer, je ne peux pas vous laisser admirer les cartes, qui suivent, sans vous livrer cet avis d'un andernossien, un "local", comme on dit vilainement aujourd'hui, sur la foule qui "envahit" les plages (cliquez pour voir une image de cette invasion):
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