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Création des nuages artificiels

DANS  LA  FORET  D'ARCACHON,

PAR M. P. KAUFFMANN

1892 - TEXTE ET DESSINS INÉDITS.

Tous les dessins de cette livraison ont été exécutés par l'auteur d'après ses croquis et ses photographies.

VIII  (suite)

Notre arrivée fut saluée par tous les assistants, puis nous confiâmes nos montures à l'un des résiniers présents et nous pénétrâmes à l'intérieur de la cabane.

Cet intérieur était des plus primitifs. Noircie comme toutes ses pareilles par la fumée résineuse, la cabane n'était éclairée que par les deux ouvertures de la porte et de l'unique fenêtre. Une cloison la divisait en deux pièces, dont l'une servait de cuisine et de chambre au père et à la mère; l'autre était destinée à la jeune fille. La mère faisait habituellement le commerce des galipes, qu'elle allait vendre tous les matins à Arcachon, chargées sur le brave baudet dont nous avions admiré il y a un instant la bonne figure paterne et résignée. Dans cette première pièce et dans une grande cheminée à large ouverture, frissonnait un restant de feu de bois résineux sur lequel avait été cuite la soupe du matin.

Quelques instruments étaient appendus aux cloisons, et sur les étagères, de modestes ustensiles de ménage alternaient avec quelques boîtes à provisions en bien petite quantité. La plupart des ustensiles étaient en bois, fabriqués par le résinier : le saley, bol à tremper la soupe, dans lequel plongeait la pantchote ou cuiller de même fabrication; au coin de la cheminée, le troupès, tabouret consistant eu un morceau de tronc de pin monté sur quatre branches formant pieds. Dans la cheminée, accroché à une crémaillère épaisse de suie, le toupin ou marmite en fonte ; à côté le regen, morceau de vieille marmite assujetti à un manche de bois fendu, et qui sert à faire frire le lard de la soupe. Au plafond, formé de solives noires, pendaient la graoupeoü, bâton crochu auquel étaient suspendus quelques morceaux de tchitchoun et la salique ou cuiller à pot, faite d'une bille de pin ou de noix de coco creusée et traversée de part en part par une baguette.

A côté est la planche à pain, suspendue au moyen de ficelles traversant deux bouteilles placées à chaque bout et recouvertes de petits houx. Cette façon de suspendre la planche à pain a pour raison d'empêcher les rats ou autres rongeurs de descendre aux provisions. Ils glissent sur la bouteille ou se piquent aux feuilles du houx, et s'empressent de battre prudemment en retraite.

Dans un coin le lit du père, plus loin, lui faisant face, et appuyé également à la cloison, celui de la mère, formés d'un cadre de planches mal jointes. Le sommier se compose de lattes clouées sur des traverses et qui supportent une mauvaise paillasse remplie de fougères sèches, sans drap, avec un maigre traversin de même composition; sur le tout est jetée une simple couverture mince, trouée en différents endroits. Pas de table : qu'en faire? Le résinier mange sur ses genoux et ne s'inquiète nullement d'un confort qu'il n'a pour ainsi dire jamais connu. Une branche de pin suspendue entre deux cordelettes supporte quelques hardes qui sèchent.

Un peu partout, de longues enfilées de gousses d'ail et d'oignons se collent le long des cloisons, qu'ornent quelques gravures de publications illustrées. A l'un des côtés extérieurs de la cheminée un petit baril posé sur son support primitif contient la boisson fermentes des fruits de l'arbousier.

On connaît cet arbrisseau élevé, à feuilles lancéolées, à dents de scie, ses fleurs verdâtres ou rosées, en panicule penchée, et ses fruits tuberculeux, les arbouses, d'une si belle couleur rouge vif lorsqu'elles sont en pleine maturité.

Cet arbrisseau fleurit en septembre, et ses fruits présentent cette particularité qu'il leur faut un an pour mûrir. Aussi en trouve-t-on sur le même arbousier qui sont d'un rouge vif et d'autres verdâtres, jaunâtres, qui n'arriveront à maturité que l'année suivante.

Ces fruits, d'un goût doucereux, mais très pâteux et peu agréables, sont cueillis par les habitants, qui en font une confiture qui n'a rien de très particulier comme saveur: parfois on l'aromatise avec différentes liqueurs alcooliques.

Certains résiniers et même d'autres habitants pauvres en composent la boisson rafraîchissante dont je viens de parler et qui se prépare ainsi :

On met dans un tonneau une certaine quantité de fruits mûrs; puis on les recouvre d'eau ; on les laisse ensuite macérer pendant une quinzaine de jours en les remuant une fois chaque jour; ce temps écoulé, on tire le liquide au clair et on le renferme dans des bouteilles bien bouchées, que l'on conserve debout dans un lieu frais; ou bien on la remet au tonneau lorsque la cabane forestière n'a pas de place pour les bouteilles.

Laissée en bouteilles, cette boisson pétille comme le vin de Champagne et est fort agréable à boire. On peut même la rendre plus agréable encore en l'aromatisant et en y ajoutant du sucre.

Dans la salle, quelques parents entourent les deux fiancés. La jeune fille met la dernière main à sa toilette bien simple, les ressources du ménage ne permettant pas la dépense de la robe blanche et du voile de tulle. Le costume se compose d'une simple robe de toile grise et d'un corsage de même étoffe blanc. Comme coiffure, sur les cheveux correctement peignés, un petit nœud de rubans blancs pique d'une note vive le brunissage sombre qui enveloppe le charmant visage de la jolie fiancée.

Quant au jeune homme, sa toilette, des plus simples aussi, n'est composée que d'une veste brune ouverte, laissant voir la chemise blanche et la ceinture de laine rouge sur le pantalon de même couleur que la veste. Un béret bleu foncé complète son costume. Les parents n'ont rien de caractéristique non plus dans leur toilette. Tout est donc prêt pour le départ.

Intérieur d'une cabane de résinier

Il est 10 heures environ, nous sortons de la cabane.

A la vue des fiancés et de leurs parents, des cris, des explosions do joie et d'amitié se font entendre dans un charivari d'une exubérance sans pareille. La nature ardente des habitants du pays se donne libre carrière; quelques coups de feu retentissent, faisant fuir au loin les oiseaux des alentours ainsi que les volailles du résinier; l'âne brait, la chèvre saute et le toutou manifeste ses sentiments par ses cabrioles et ses abois les plus joyeux.

Les fifres entonnent leurs plus gais refrains en couvrant très sensiblement de leurs modulations aiguës les cris des assistants.

Une agréable surprise a été ménagée aux fiancés et à leurs parents. M. B... a envoyé un chariot, conduit par quatre mules enrubannées, enguirlandé de feuillages, couvert de fleurs et de rubans et orné de bancs assez confortablement placés pour emmener toute la famille au village. Une dizaine de personnes peuvent y tenir, et la noce, précédée des bergers musiciens, prend lentement et joyeusement la route de la Teste. Nous suivons à cheval la bruyante compagnie, qui descend les nombreux lacets formés par les chemins d'exploitation que traversent parfois les grands garde-feux, sillonnant dans sa longueur et sa largeur toute la grande forêt, depuis Arcachon jusqu'à Saint-Vincent de Dax.

Ces garde-feux ont été imaginés afin de préserver les bois des incendies trop étendus. Ce sont de grandes voies d'une largeur d'environ 10 à 15 mètres, droites et se coupant à angle droit tous les 400 à 500 mètres. Si un incendie se déclare dans un carré et que, maigre les efforts faits pour l'éteindre, il menace de s'étendre et d'embraser de grands espaces, il est généralement arrêté à sa base par la voie sablonneuse; ces garde-feux doivent être entretenus par les propriétaires riverains.

Les incendies sont assez fréquents. Dès les temps les plus anciens ils ravagèrent le littoral et le pays des Landes. Presque tous les arbres fossiles que l'on a trouvés portent des traces de carbonisation, qui prouveraient que le feu a anéanti des forêts entières.

A notre époque, ces incendies sont le plus souvent attribués à la pratique de l'incinération, qui consiste à brûler les bruyères, les ajoncs et les fougères qui croissent en abondance dans le pays, afin de procurer une nouvelle pousse d'herbe, recherchée par le bétail. Les dangers de cette incinération ont provoqué à différentes reprises des règlements forestiers.

La conséquence de la loi du 19 juin 1857, qui obligeait les communes à aliéner et à mettre en valeur les landes de Gascogne, a été que les bergers, voulant néanmoins comme jadis incinérer les landes, mettent adroitement le feu au moyen de mèches dont la combustion lente ne fait éclater l'incendie que quelques heures plus tard. Soupçonnés, ces bergers établissent facilement leur alibi; il s'ensuit que la découverte des coupables devient très difficile. Puis il arrive aussi que les chasseurs et les fumeurs prennent imprudemment leur part des désastres. Les chemins de fer également contribuent à ce danger, malgré les précautions prises par les compagnies.

Pour remédier à la situation créée par la loi qui rend les propriétaires responsables de ces sinistres, certains de ceux-ci voudraient former des syndicats qui régleraient la manière d'entretenir les garde-feux; mais le petit propriétaire ne trouverait peut-être pas le moyen de faire nettoyer son lot de terrain et ses garde-feux sur une bien grande longueur : aussi, malgré la loi, ceux-ci se trouvent-ils être fort mal entretenus en nombre d'endroits.

En outre, cette loi qui oblige à maintenir les arbres à 2 mètres de la limite de son voisin en formant un grand nombre de garde-feux de 4 mètres de largeur est ignorée et n'est guère exécutée dans le pays, les limites n'étant désignées que par le pin-borne décrit plus haut.

Aussitôt le signal d'alarme donné, soit par les trompes, soit par le tocsin, les populations accourent de partout prêter leur concours.

Il faut rendre cette justice aux habitants que, toujours dévoués, ils viennent des points les plus éloignés avec la meilleure volonté; quittant immédiatement leurs travaux, quels qu'ils soient, pour se rendre sur le lieu du sinistre.

Ils sont quelquefois obligés, pour y arriver, de parcourir plusieurs kilomètres à pied, et le plus souvent exténués de fatigue. Malgré cela, le courage ne leur fait pas défaut, d'autant plus que d'un autre côté il est matériellement impossible, dans ces endroits déserts, de se procurer la moindre nourriture, et que dans la plupart des cas on n'a pas le temps ni le pouvoir d'en emporter avec soi.

Il arrive alors bien souvent que l'incendie, n'ayant pu être arrêté, vu le manque de forces, prend, par suite, des proportions énormes qui ruinent le propriétaire et causent un grand appauvrissement dans le pays où il s'est déclaré.

Pourquoi, ainsi que l'indique M. P. Cuzacq dans son ouvrage sur le pin maritime, ne songe-t-on pas à transporter sur les lieux, pendant et après les incendies, du pain et du vin pour les distribuer dans une proportion convenable aux travailleurs?

Puis, comme, après tout, les secours proviennent en grande partie des centres habités, des quartiers ou des villages, il faudrait encore que l'autorité eût le droit de requérir les propriétaires ou colons possesseurs de voitures, de chevaux ou mules, afin de pouvoir transporter dans un laps de temps aussi court que possible les habitants sur les lieux du sinistre.

Arrivant ainsi plus dispos et reposés, l'incendie n'aurait pas le temps de se développer dans d'aussi grandes proportions.

Dans un de ses ouvrages, qui a été publié en 1785, Secondat, fils de Montesquieu, décrit un moyen employé pour arrêter les incendies :

" Lorsque le feu prend dans les forêts de pins maritimes, ce qui arrive assez souvent par la négligence des pasteurs, on parvient à l'éteindre par un artifice assez singulier :

" On met le feu à un autre endroit de la forêt plus ou moins distant du premier embrasement, selon que celui-ci a fait plus ou moins de progrès : il s'établit un courant d'air du premier embrasement au second, et réciproquement.

" Toutes les flammes se portent sur les arbres qui sont entre les deux : ils sont consumés, le feu s'éteint faute de nourriture, le reste de la forêt est conservé. "

Ce moyen, dit-on, est encore employé de nos jours et réussit le plus souvent, à ce qu'il paraît. Mais il faut y mettre une très grande prudence et savoir profiter de la direction du vent. Aussi convient-il de ne donner la direction de ces opérations qu'à des personnes très intelligentes et au courant de ces mesures dangereuses.

La compagnie longea ensuite une éminence connue sous le nom de Truc de la Truque, point le plus élevé de la forêt et d'où la vue s'étend sur toute la grande forêt, l'Océan, le bassin d'Arcachon et le lac de Cazaux. C'est une des plus jolies promenades à faire dans les environs d'Arcachon. Puis, grimpant par le cippe Brémontier, nous descendîmes sur la Teste à 1 kilomètre plus loin.

Le cippe est placé sur le lieu même des premiers essais du célèbre ingénieur, à l'endroit où il sut pour la première fois, et sur les indications précédentes de l'abbé Desbiey, arrêter la marche envahissante des sables, en fixant les dunes au moyen des semis de pins. C'est une simple colonne sans chapiteau, un monolithe en marbre rouge des Pyrénées. Il mesure 2 mètres 1/2 de hauteur sur 90 de largeur environ et repose sur deux marches. Au sommet du plein-cintre est sculptée une couronne de chêne et sapin entourant une fleur de lis. Au-dessous se trouve l'inscription suivante :

"L'an 1786, sous les auspices de Louis XVI, Nicolas Brémontier, inspecteur général des ponts et chaussées, fixa le premier les dunes et les couvrit de forêts. En mémoire du bienfait, Louis XVIII, continuant les travaux de son frère, éleva ce monument. Antoine Lainé, ministre de l'Intérieur. Camille, comte de Tournon, préfet de la Gironde, 1828."

Autour du monument sont disposées circulairement huit colonnes-bornes de 1 mètre environ de hauteur.

A ce propos, qu'on me permette d'ouvrir une parenthèse pour expliquer comment ont été fixées les dunes.

La croyance générale attribue à Brémontier seul la gloire d'avoir appliqué le premier les procédés d'ensemencement et d'avoir eu le premier l'idée d'arrêter la marche des sables dans l'intérieur des terres. C'est une erreur : Brémontier n'a fait qu'appliquer sur la plus vaste échelle les essais déjà connus et tentés. Mais, comme ingénieur en chef il sut profiter de sa situation en engageant l'État à entreprendre ces admirables travaux.

En 1802, M. Tapin. secrétaire général de la préfecture des Landes, fut chargé par M. Méchin, préfet, de faire un rapport sur les dunes.

Ayant parcouru et visité en détail les côtes du golfe de Gascogne, il recueillit tous les renseignements possibles et rédigea alors un remarquable rapport, où il rend justice à qui de droit. Nous en extrayons le passage suivant :

" Tandis que le citoyen Brémontier, qui avait fait approuver son projet de plantation des dunes par le gouvernement, combinait dans son cabinet de nouveaux moyens de les fixer, le citoyen Peychan le jeune, propriétaire à la Teste, qui s'occupait depuis plusieurs années des semis, imagina une méthode très simple; mais comme elle était diamétralement opposée au mode prescrit par le citoyen Brémontier, ce ne fut qu'après de longues instances que le citoyen Peychan parvint enfin à obtenir la permission d'en faire l'essai sur 2 hectares de terrain (environ 7 à 8 journaux), tant il est vrai que le savant, quelque modeste qu'il soit, a toujours une répugnance naturelle pour les découvertes faites par des hommes qui n'ont pas autant d'instruction que lui.

" L'essai du citoyen Peychan réussit au delà de ses espérances, et le citoyen Brémontier adopta son procédé.

" Un semis en grand de 340 à 380 hectares (1 100 à 1 200 journaux bordelais) se fit en exécution de ses ordres en 1788, 91 et 92, sous la direction de G. Peychan et G. Duboscq, arpenteur à la Teste. "

Dans l'histoire de la fixation des dunes du littoral, du docteur A. Lalesque, intitulée "Nicolas Brémontier et Pierre Peychan jeune", avec lettres autographes de Brémontier, il sera facile de se convaincre du rôle prépondérant joué par Pierre Peychan dans cette question, aussi bien que de l'oubli... involontaire de l'histoire de Brémontier à son égard.

Quel but avait donc le grand ingénieur en oubliant ainsi son principal collaborateur?

En 1752, d'après le même rapport de M. Tas sin, MM.Desbiey frères, Caule, d'Entomas Darmentier avaient fixé la dune mobile de Broque, commune de Saint-Julien (Landes), avec des semences de pins, en suivant les procédés mis en pratique plus tard par Brémontier.

L'abbé Desbiey donna aussi à ce sujet, en 1774, d'incontestables conseils dans un travail qu'il lut à l'Académie de Bordeaux.

En 1784, l'intendant Dupré de Saint-Maur demanda à l'abbé Desbiey une copie de son mémoire, pour en faire prendre lui-même copie par le sous-ingénieur Brémontier: mais la copie et l'original ne furent jamais rendus.

Il est également prouvé qu'en 1734 Arlain de Ruat, captal de Bucb, avait pratiqué des semis de pins sur les dunes de la Teste. Il est même prouvé que bien avant le XVIIIè siècle on connaissait les moyens d'arrêter la marche envahissante des dunes.

En Portugal même, vers l'an 1300, le roi Denis ordonna de fixer les dunes au moyen de plantations de pins.

La Hollande avait fait de même en établissant sur ses dunes des plantations de roseaux, d'érables et de sapins.

Les bords du golfe de Gascogne, pour en revenir à notre pays, furent plantés de pins au XVIe et au XVIIe siècle, surtout du côté de l'embouchure de l'Adour.

Mise en nattes et dammage du barras

On me pardonnera certainement cette digression un pou longue, mais nécessitée par la nature du sujet, et les réflexions que m'avait inspirées la vue du monument élevé à l'ingénieur Brémontier. Il faut rendre justice à qui de droit, sans toutefois nuire en quoi que ce soit à la gloire du célèbre ingénieur ni l'amoindrir un seul instant.

Nous arrivions à la Teste-de-15/01/14nt les plus connus sont Pierre Manien, Jean de Grelly, Gaston de Foix et Henri de Nogaret, duc d'Epernon. C'est un bourg peu intéressant, situé sur les bords du bassin d'Arcachon. Les habitants, sur le pas des portes, les pêcheurs et les parqueurs dans les rues, nous attendaient en poussant de joyeux vivats. Les deux cérémonies furent simples et courtes, la situation sociale des mariés et de leurs parents ne permettant pas le déploiement de luxe et d'honneur réservé aux grands de la terre; quelques mots à la mairie, une bénédiction à grande vitesse à l'église, c'est tout ce que les autorités civile et religieuse purent offrir à nos modestes et sympathiques amis; j'ajouterai qu'ils n'en furent pas moins heureux d'être unis, et la cérémonie terminée, la fête commença.

Les musiciens entonnèrent au sortir de l'église un chant assez lent, aux modulations douces et cadencées accompagnées par tous les invités; le marié, prenant la main de sa femme, les couples de la noce suivant et se tenant de la même façon marchèrent en avant en cadençant leur pas d'un mouvement gracieux et très élégant. Tantôt tournant sur eux-mêmes, tantôt glissant légèrement sur le sol, ils arrivèrent crescendo à une danse vive et animée dont le mouvement ondulatoire offrait dans les poses et les attitudes les aspects les plus gracieux et les effets des plus inattendus, et rappelait un peu la farandole des pays provençaux. Cette danse s'appelle le rondo. Toujours dansant, nous arrivâmes à la maisonnette rustique du village, dans la cour de laquelle, sous des ombrages de verdure empruntés à la forêt voisine, un excellent repas, en rapport avec la sobriété connue des invités, était offert par M. B... ; nous ne nous fîmes faute d'y assister et d'y faire honneur.

Contrairement aux coutumes du nord et de l'est de la France, le repas fut court, arrosé suffisamment mais modestement, car, même avant qu'il fût terminé, les braves Landais, si passionnés pour la danse, quittaient la table pour se lancer joyeusement dans leur rondo favori. Ce fut aux dernières heures du jour un crescendo formidable, une course véritablement endiablée, folle, terrible même, où, surexcités non par la boisson, mais par l'exercice adoré, tous ces jeunes couples, tournant on mille replis sur eux-mêmes, sautant par-dessus les obstacles, gravissant les plus raides, escaladant, sautant, courant toujours, n'arrivèrent à s'arrêter que lorsque les sons du fifre s'éteignirent devant le souffle épuisé des ménétriers, ce qui provoqua la retraite générale. Le mérite des danseurs dans le rondo est de ne jamais se lâcher les mains et de suivre aveuglément leur chef de file.

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15/01/14

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