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Le MoulleauDate postale : Cachet de la poste Période de publication : Dater une carte Le Moulleau est le quartier le plus à l'ouest d'Arcachon. C'est aujourd'hui un des quartiers chics de la station. A la fin du XIXème siècle, il n'y avait guère qu'un hôtel, une église et des pêcheurs. On y allait en voiture à sable, avec des roues larges. Deux sanatoriums y ont été construits, l'un catholique, l'autre protestant. Le tramway reliant le Moulleau au centre d'Arcachon ne sera inauguré qu'en 1911. Un jour d'octobre 2003, j'ai reçu un mail de l'autre bout du monde, de Tahiti. C'était un ancien pensionnaire du sanatorium catholique du Moulleau qui venait s'enquérir de ce qu'était devenu l'établissement où il avait séjourné, enfant, en 1959. Il m'a livré un saisissant témoignage sur la vie des enfants dans ce qui avait été rebaptisé "aérium" ou "préventorium" sans que la réalité de la maladie ait changé en quoi que ce soit et il m'a autorisé à le publier. Voici ce texte:
1) - Voici l'appareil que décrit Jacques Sanchez : Les gamins qui supportaient de passer plusieurs minutes la tête en bas sur ces chevalets n'avaient aucune raison de mourir de la tuberculose. Ces appareils pour barbares qu'ils paraissent ont sauvé la vie de centaines d'enfants. Retour au texte de Jacques Sanchez Il y avait aussi un restaurant sur la plage comme le montre cette magnifique photo de 1884, légendée : "Le moulto restaurant de la plage Laurent et sa femme" :
Ce "restaurant" est tellement extraordinaire à cette date et à cet endroit qu'il aurait été photographié deux -deux- fois. Mais se pose immédiatement une question : s'agit-il du même restaurant photographié deux fois ou bien de deux restaurants photographiés chacun une fois ? A regarder les photos, on voit bien les différences entre les "deux" établissements. Mais il est aussi peu vraisemblable d'imaginer deux restaurants différents à cet endroit et à cette époque. Et s'il s'agissait du même restaurant pris en photos à deux époques différentes. Cliquez pour agrandir Quelques années plus tard, en 1909, Jean-Paul Alaux, membre d'une illustre famille d'artistes, architectes, peintres, illustrateurs, etc, qui œuvrera beaucoup à Arcachon, publie un recueil d'estampes donnant sa vision du bassin. Une vision japonisante, comme cette plage du Moulleau : Alaux avait certainement vu cette carte postale de l'excellente Mlle J.L. (col. privée) Bien avant tout cela, avant même la création par les hommes de cette image du paradis qu'est Arcachon, existaient les douaniers, qui avaient caserne au bord de l'eau dans la forêt. Et heureusement ! C'est en effet la caserne de ces douaniers qui servit de point d'alignement pour tracer la droite-frontière entre La Teste de Buch et son quartier rebelle. Ce quartier allait devenir Arcachon, quand celui-ci acquerrait enfin son indépendance en 1857 par la volonté de SM l'empereur des Français, Napoléon III, celle aussi des frères Pereire et de quelques propriétaires fonciers aussi visionnaires que cup... intéressés par l'argent.
Le poète italien, Gabriele d'Annunzio, fuyant ses créanciers à qui il devait un million de francs-or, se réfugie en mars 1910 à Paris, puis à partir de juillet 1910 au Moulleau qu'il ne quittera qu'en avril 1915. Il y écrivit notamment le livret du Martyr de Saint Sébastien, dont Claude Debussy composera la musique. Au Moulleau, le poète habitera successivement les villas Saint-Dominique (photo) et Caritas. D'Annunzio n'aimait pas que les femmes, multipliant les aventures; il avait également la passion des chiens, des lévriers.
En septembre 1921, André Citroën envoie ses nouvelles autochenilles montées sur sa dernière voiture une 10 CV faire des essais à Arcachon. Les engins, destinées si le concept est validé, à fournir à l'armée de quoi faire la police dans les immensités sahariennes des colonies françaises, sont équipées du système de chenilles inventé par Adolphe Kegresse, l'ancien chef du garage du tsar, pour rouler sur ... la neige et mis au point pour Citroen avec Jacques Hinstin. Les véhicules équipées de ces autochenilles furent les premiers à traverser le Sahara en 1922. (d'après Marie Claude Rouxel, in Bulletin de la société historique d'Arcachon n° 142. Voici ces voitures évoluant sur la plage des Abatilles en septembre 1921:
Avec le yachting, le hunting (en français de tout le monde : la chasse à courre) constituait une des occupations préférées des Arcachonnais de la "bonne société". Ces hunters ne manquaient pas chaque année de célébrer la Saint-Hubert, patron des chasseurs, par une messe à Notre Dame des Passes au Moulleau. L'église était "décorée" avec des têtes de sangliers, du meilleur goût, dans l'embrasure des fenêtres et tous ces braves gens paradaient en grand uniforme de chasseurs, avec cor de chasse, chevaux et chiens. Ils coursaient les sangliers, les renards et les chevreuils dans les forêts et sur les plages d'Arcachon. La dernière chasse à courre a eu lieu en 1933. L'avenir d'Arcachon écrivait encore dans son édition du 25 janvier 1925: La chasse à courre obtenant toujours davantage la faveur des étrangers résidant à Arcachon, le Comité directeur de l'Équipage a été appelé pour répondre au désir d'un groupe de veneurs bordelais, à envisager l'organisation d'une chasse supplémentaire par semaine. C'est aujourd'hui chose décidée, les chasses auront lieu, à partir du 25 Janvier et jusqu'à la fin avril, tous les Jeudis et Dimanches, à 9 b. 30 du matin sous la conduite du Master Colonel de Heine.
Les touristes d'aujourd'hui ne connaissent pas leur chance de disposer au Moulleau de plusieurs plages de sable fin quelle que soit la marée. Leurs parents et grands parents devaient dans les années 1950 consulter l'horaire des marées pour être sûr d'aller se baigner à marée basse, sauf à être condamnés à grimper sur les perrés.
En 1909, le maire James Veyrier Montagnères reçoit en sa villa Risque-Tout, au Moulleau, l'équipe de rugby de l'armée anglaise. 103 ans après, je ne pense pas que l'équipe d'Angleterre aura envie de venir admirer la splendeur du bassin après la raclée que doit lui coller après demain l'équipe de France au Stade de France dans le tournoi des Six nations.
Voici l'église représentée sur une très belle carte précurseur (publiée avant 1904) des frères Neurdein. La carte est "colorisée" dans des couleurs pastel qui en font une vraie splendeur. Si après avoir visité le sanatorium, vous voulez aller vous changer les idées au casino, pourquoi ne pas prendre le "tram-car", qui à son rythme vous amènera sûrement à bon port. Mais avant de prendre le tramway hippomobile, assurez vous d'avoir contemplé l'admirable perspective créée à partir de Notre Dame des Passes vers le phare du Cap Ferret. Paris a son axe historique du palais du Louvre à La Défense, Washington a son Mall, Arcachon se devait de créer un tel point de vue, symbole de sa beauté. Las, la jetée qui devait conduire le regard depuis Notre Dame des Passes vers le phare se trouvait du mauvais coté du Grand Hôtel. Voyant l'extraordinaire travail de l'UNESCO pour sauver les temples d'Abou Simbel, la municipalité d'Arcachon se lança dans les années 1970 dans une opération de grande envergure, de transhumance de la jetée du Moulleau: elle était à gauche du Grand Hôtel, elle serait à droite. Un éditeur de cartes postales eut l'heureuse idée d'immortaliser ce moment unique, où la jetée nouvelle n'est pas encore achevée, et l'ancienne est toujours là:
Quartier excentré d'Arcachon, Le Moulleau se devait d'avoir un Grand Hôtel pour accueillir ceux des "estrangeys de distinction" qui n'aimaient guère les fêtes continuelles données à Arcachon. L'établissement est construit au bord de l'eau, on y adjoint un petit débarcadère, et sa terrasse est "décorée" d'un canon vestige d'une batterie destinée à protéger le bassin contre l'Anglais, ennemi héréditaire. Les promoteurs de l'établissement avaient pensé à tout lors du calcul de leurs tarifs, y compris aux domestiques qu'il fallait bien loger et nourrir:
A cette époque donc, le touriste le plus pauvre "vaut" plus de deux fois son domestique qui devait coucher sur une paillasse et manger de la soupe à la grimace... : Le maître paie 4 F la chambre, 1 F le petit déjeuner, 4 F le déjeuner (sans le vin...) et 5 le dîner (toujours sans le vin), soit 14 F par jour, ou bien s'il reste une semaine il peut ne payer que 10 F par jour pour une chambre donnant sur la forêt. Dans tous les cas, son domestique paiera 6 F par jour (tout compris, mais sûrement pas le vin...) En Franc 2000, cela nous ferait selon les spécialistes 280 F par jour pour le maître et 120 F pour le domestique
28/06/14 |
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