De la carte postale ancienne
Le Monde : les faussaires attaquent

Je ne pouvais pas ne pas partager avec vous l'angoisse qu'a fait naître chez moi l'article publié dans son supplément Argent (?) par l'ex-quotidien de la rue des Italiens... Et si toutes les cartes que je vous montre à longueur de pages étaient des faux... Et si l'investissement considérable que nous faisons tous chaque dimanche dans des brocantes improbables se révélait aussi rentable que l'emprunt russe... Allez je vais tout vendre pour acheter du France Télécom à la Bourse...

La pratique du faux en cartes postales ne peut être comparée à celle qui sévit dans le monde de la peinture, les enjeux financiers étant sans commune mesure. Néanmoins elle existe. Au début de l'année, une carte de «bouilleur de cru de Monville» (Seine-Maritime), proposée lors d'une vente publique à Morlaix (Finistère) et achetée sur catalogue, s'est révélée être un faux. L'acquéreur s'est vite aperçu de la supercherie en notant le brillant et la texture inhabituels du papier.

Seules les pièces d'un certain niveau de prix font l'objet de ce genre de fraude. Celle-ci a été vendue 439 euros. Parmi les fausses cartes en circulation figure «le rémouleur de Compiègne». La cote de cette carte se situe aux environs de 1 000 euros.

La carte contemporaine (depuis 1918) est également touchée par la fraude. Depuis quelques années déjà sont apparues des cartes postales allemandes de la période hitlérienne, très recherchées par certains collectionneurs. Ces documents ont rarement voyagé et, lorsqu'ils ont circulé, les cachets postaux sont impeccables.

L'un des procédés utilisés pour fabriquer un faux consiste à faire un contretype à partir d'un tirage original, c'est-à-dire à photographier ce dernier et à le reproduire au même format sur un bristol de bonne qualité portant la mention « carte postale ». L'image (dessin ou photo) peut aussi être collée sur un dos (recto) de carte ancienne pourvue d'un timbre à 5 ou 10 centimes des années 1900 et préalablement détaché de la partie vue (verso). Rappelons qu'une carte postale ancienne en phototypie est composée de trois épaisseurs de papier. L'ensemble est ensuite mis sous presse.

Le faux en cartes postales peut prendre d'autres formes que la falsification avérée. L'une d'elles consiste à glisser des fac-similés de bonnes cartes originales dans des lots de valeur moyenne ou réduite afin d'en faciliter la vente. Dans ce cas, on mise sur l'inexpérience - et le manque de patience - de l'acheteur éventuel. Le procédé n'est pas nouveau mais tend à se répandre en raison même de la multiplication des reproductions mises sur le marché et de l'éveil à la carte postale de collection d'un nombre grandissant d'amateurs mal préparés à distinguer le bon grain de l'ivraie.

La reproduction de cartes postales à vocation documentaire, à l'identique des cartes anciennes, n'a rien de condamnable, bien au contraire, a fortiori lorsqu'elles sont présentées comme telles, ce qui est le cas de la plupart des éditions de ce genre. Mais attention, en revanche, à l'usage frauduleux qui peut en être fait.

BRILLANCE, ÉPAISSEUR, TRAME

Comment se prémunir contre les faux? D'abord en se renseignant auprès des connaisseurs : collectionneurs chevronnés, qui se retrouvent dans des clubs, experts et négociants spécialisés reconnus pour leurs compétences et leur sérieux. En examinant soigneusement, de préférence à l'aide d'un compte-fils, et en la sortant de sa pochette plastique, la carte convoitée afin de repérer les anomalies qui ferait suspecter un document douteux : brillance, épaisseur insolite, timbre ancien rajouté à 5 ou 10 cm, affranchissement postal truqué, présence d'une trame alors que l'impression en phototypie n'en possède pas, légende amputée d'une ou deux lettres au début ou à la fin de la ligne.

On retiendra encore qu'une carte postale écrite et affranchie offre plus de garantie d'authenticité qu'une carte neuve.

L'expérience reste le meilleur atout dont peut disposer un collectionneur. L'apprentissage nécessaire s'accompagne toujours de quelques bévues. Il faut faire en sorte que le prix de celui-ci en soit le moins élevé possible.

Serge Zeyons

 

Supplément Argent (?) du Monde daté 29 et 30 juin 2003